Massy en good Company !

COMEDIE MUSICALE – L’association Génération Opéra, en coproduction avec une douzaine d’institutions lyriques, présente à l’Opéra de Massy la création française de la comédie musicale Company de Stephen Sondheim. Une production qui tournera ensuite jusqu’à 2027 et une ultime reprise au Théâtre du Châtelet. L’occasion de découvrir toute une galerie de personnages :

Le livret de George Furth (traduit en français par Stéphane Laporte) est volontiers incisif, souvent provoquant, avec un humour toujours grinçant. Bien qu’écrit il y a 55 ans, il reste d’une étonnante actualité. Il est constitué de saynètes indépendantes les unes des autres, que la musique commente, quelques accords entêtants agissant comme un leitmotiv tout au long de la partition, comme autant de petites prises de conscience pour le personnage central. Au total, ce sont 14 numéros musicaux qui agrémentent cette comédie chorale, menée par 14 solistes (le héros, trois conquêtes et cinq couples d’amis). Grâce aux costumes de Nathalie Pallandre, chaque couple est assorti dans une couleur afin que le spectateur puisse les repérer plus facilement. 

Un héros pour les rassembler tous

Pour ses 35 ans, cinq couples amis de Bobby (aka Bob, Robby ou Robert) lui préparent un anniversaire surprise. Au moment de souffler les bougies, il doit faire un vœux et ne surtout pas le révéler : si toutes les bougies sont éteintes en un souffle, son vœu se réalisera. Mais Bobby ne sait pas quoi se souhaiter : se marier ou non ? Bref, Company, c’est un voyage initiatique emmenant le héros à travers différentes aventures humaines. Et c’est Gaétan Borg qui interprète le trentenaire arpentant ce « désert peuplé » qu’est New York à la recherche du sens de sa vie. Il a la diction dynamique, le phrasé tendre et le vibrato léger typique du chanteur de comédie musicale. Il dresse un personnage timide et attachant, qui pourrait manier légèrement plus le second degré. 

Trois de perdues…

Dans sa quête d’une femme, Bobby a trois options. Camille Nicolas joue June (heu, pardon, April), une hôtesse de l’air consciente de ses limites, symbole du « coup d’un soir », à la voix douce et caressante. Neïma Naouri est Marta, la fille un peu fantasque, avec une voix lyrique au timbre fruité, et dont le dynamisme corporel imprègne le chant. Myriana Hatchi prête sa voix à Kathy, l’amie de jeunesse avec qui Bobby aurait pu construire sa vie s’ils s’étaient avoué leurs sentiments, mais qui va finalement se marier avec un autre. 

© Jean Michel Molina

Des choix, le metteur en scène James Bonas doit en faire beaucoup. Il choisit de s’ancrer dans les codes de la comédie musicale, en se les appropriant. Par exemple, lorsque Gaétan Borg fait un numéro de claquettes, passage obligé historique du genre, il le fait sans claquettes, le bruit venant du reste de la troupe qui tape dans ses mains. Il donne ainsi une place prépondérante à la chorégraphie et opte pour une épure permettant des changements de décor rapides et fluides. Son travail de direction d’acteurs est précis (il faut dire que tous les artistes impliqués sont des spécialistes du genre) et il sera intéressant de voir l’évolution de leur jeu d’ici la fin de la tournée. 

En vert, le couple-orchestre

Sarah (Marion Preïté, aux graves de pierre) et Harry (Arnaud Masclet plus lyrique, au bel aigu vibrionnant) font tous les effort du monde l’un pour l’autre : elle fait un régime, lui arrête l’alcool. Enfin, en théorie. Ils se battent (littéralement) pour s’imposer face à l’autre, mais se tombent finalement dans les bras, vaincus, parvenant toujours à s’accorder. 

L’Orchestre national d’Île-de-France est lui aussi bien accordé sous la baguette du spécialiste Larry Blank. Il offre une ambiance jazzy et swing à souhait, contribuant ainsi pleinement à la tension du spectacle, chacun faisant là aussi des efforts pour les autres, afin de respecter à tout moment l’équilibre entre les pupitres. 

© Jean Michel Molina

En bordeaux, les adultes qui dansent

Joanne (Jasmine Roy, qui fait le show avec sa voix chaude) et Larry (Scott Emerson, moustachu lyrique et dynamique) forment un couple riche et mature, qui a une expérience à livrer : le bonheur nécessite d’aimer l’autre malgré ses défauts. Joanne dit à son troisième mari qu’elle trouve ridicule de voir un adulte danser. Pourtant, dans ce spectacle, les chorégraphies d’Ewan Jones participent à l’intérêt du spectacle par leur inventivité. Les pas restent simples mais créent des tableaux dynamiques et des ensembles harmonieux.

En marron, la tentation de la nouveauté

Jenny (Éva Gentili à l’engagement sans borne) et David (Loïc Suberville, à la voix de ténor mielleuse) ont essayé de fumer un joint, afin d’essayer de nouvelles choses : Jenny est-elle trop conservatrice pour cela ? David pense que oui. Une chose est certaine : Barbara De Limburg, qui a créé la scénographie (avec les lumières de Christophe Chaupin), ne l’est pas. Le décor de chaque saynète est caractérisé par un simple élément, une projection vidéo, quelques accessoires. Mais tout cela est extrêmement stylisé, résolument moderne, en tout cas pleinement esthétique. 

© Jean Michel Molina

En bleu, les remises en cause

Susan (Lucille Cazenave aux aigus intenses) et Peter (Joseph De Cange, à la voix corsée) semblent être un couple uni alors qu’ils ont décidé de divorcer et que lui a pris conscience de son homosexualité. C’est le couple des faux-semblants. Un peu comme si nous disions que nous voyons la logique qu’il y a pour Génération Opéra (ex-Centre français de promotion lyrique) à promouvoir une comédie musicale. C’est-à-dire pas un opéra, pas chanté par des artistes lyriques. On nous rétorquera sans doute que c’est un moyen de faire entrer d’autres publics dans les opéras, mais combien de ces spectateurs reviendront ensuite voir le reste de la programmation ? Alors on va faire comme Susan et Peter : prendre ce qu’il y a à prendre. C’est un beau spectacle offert au public des maisons coproductrices, et c’est déjà très bien. 

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En rose, le verdict

Amy (Jeanne Jerosme au débit précis et clair) et Paul (Sinan Bertrand, à la voix brillante) doivent se marier, mais la jeune femme est terrorisée à l’idée de s’engager. Le public semble pourtant prêt à jeter du riz ou des roses à toute cette Company. Petit à petit, l’ambiance monte en effet dans la salle, les « Youhou ! » se faisant de plus en plus prompts et vifs après chaque numéro musical, le public se montrant tout à fait chaleureux lors des saluts finaux. 

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