OPÉRA – L’Opéra de Dijon propose à l’Auditorium une nouvelle production des Pêcheurs de Perles de Bizet dans une mise en scène signée Mirabelle Ordinaire et placée sous la baguette de Pierre Dumoussaud.
1862 – Depuis sa fenêtre parisienne, le jeune Georges Bizet voit le chantier du futur Palais Garnier commencer à s’élever. Son imagination à la vue de ce chantier pharaonique entre en résonance avec le travail rapide qu’il doit mener. Les bruits des travaux et des ouvriers qui se muent en pêcheurs de perles, leurs larges vêtements de travail, ces échafaudages de bois qui ressemblent à des bateaux et à leurs mâts, ces affiches poétiques qui évoquent des femmes sensuelles d’un orient fantasmé et les produits de l’autre bout du monde : tout enflamme son imagination et son inspiration, lui qui n’a jamais vraiment voyagé.

En-chantier
Mirabelle Ordinaire est partie de ce postulat pour élaborer son spectacle et proposer au spectateur un voyage exotique, en plein Paris. Dans son cabinet de travail, Bizet travaille avec assiduité et s’empare du personnage de Zurga comme un dédoublement de lui-même, dans une sorte de fantasme permanent. Avec son équipe, Mirabelle Ordinaire a conçu un spectacle très réussi, qui s’éloigne d’un exotisme suranné pour proposer une vision plus centrée sur les sentiments et les rapports des trois personnages centraux. Le soin apporté aux déplacements des protagonistes, mais aussi aux artistes des chœurs, aux ambiances contrastées (dont le terrible incendie à la fin du 3ème acte), aboutissent à une réalisation belle et convaincante, portée par une musique qui collectionne les perles.

En-chanté
- La voix d’Hélène Carpentier a gagné en puissance, sans perdre les qualités de son timbre. Mais en contrepartie un vibrato un peu accentué s’est installé sur certains passages et l’aigu paraît dur d’émission. Elle propose une Leïla qui n’est ni fragile ni apeurée, mais une femme de caractère prête à affronter les épreuves au nom de son amour pour le jeune Nadir.
- À ses côtés, Julien Dran-qui ces derniers temps aborde désormais des rôles plus affirmés, plus larges d’émission-, prouve qu’il n’a rien perdu bien au contraire de la souplesse de sa voix de ténor soutenue par un légato idéal. Sa présence scénique et sa prononciation parfaite donnent beaucoup de crédit à son interprétation. Clou de la partition : sa romance où le mezza-voce se conjugue aux passages maîtrisés des registres.
- Le baryton Philippe-Nicolas Martin séduit dès le début dans son double rôle, par l’humanité et l’intensité expressive avec lesquelles il incarne Zurga, être torturé et en proie aux doutes, mais aussi sensible aux honneurs et sens du devoir. La voix a une belle projection en salle, et dispose d’une vraie variété de couleurs.
- Dans le rôle de Nourabad, Nathanaël Tavernier fait valoir une voix assise et assez noire de timbre.
- Aux côtés de l’Orchestre Dijon Bourgogne, Pierre Dumoussaud sert la musique de Bizet avec toute la chatoyance et la précision requises, soulignant sans trop en faire les envolées lyriques comme les parties plus intensément dramatiques. Il faut noter l’excellence du Choeur de l’Opéra de Dijon préparé avec soin par son chef Anass Ismat.
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Vous l’avez compris : ces Pêcheurs de Perles se sont fait un chemin droit vers notre cœur, comme vers celui du public, conquis. À quand une reprise ?

