AccueilActusActus - InstrumentalTe Deum pour Notre-Dame : un toit, une voix

Te Deum pour Notre-Dame : un toit, une voix

CONCERT – À l’occasion d’un concert complet depuis des semaines, la cathédrale Notre-Dame de Paris célèbre en grande pompe sa renaissance sonore. Pour marquer le coup, la Fondation Notre-Dame a commandé un Te Deum flambant neuf à Thierry Escaich, compositeur phare du sacré contemporain qui, fidèle à lui-même, a pris place derrière les claviers de l’orgue pour participer en direct à la première.

Et pour ne pas faire les choses à moitié : 180 musiciens, chœurs français et polonais, cloches perchées, marimba en embuscade et voilà la cathédrale entière transformée en caisse de résonance mystique.

Feu de joie

« De la nuit la plus obscure à la lumière la plus aveuglante » : c’est ainsi qu’Escaich décrit son œuvre. Le ton est donné, et le Te Deum déroule en quatre volets une sorte de traversée — spirituelle et sonore — du drame au happy end. Car si l’incendie de 2019 plane sur l’ensemble, il n’est jamais évoqué de front : tout ici est évocation, sublimation, transformation. On ne reconstruit pas Notre-Dame avec du pathos, mais avec du contrepoint et des cloches bien placées.

© D. Guedez-L. Hoarau

Le début est tout en tension contenue : basse profonde, chant grégorien, soupirs harmoniques. Puis, peu à peu, l’orchestre surgit, se densifie, s’élargit, comme un vitrail qu’on verrait lentement s’allumer. Les masses se croisent, s’empilent, les voix arrivent par vagues, et ce qui était chaos devient miracle d’équilibre.

Quand les choristes prennent la tangente

© D. Guedez-L. Hoarau

Moment surréaliste : après le premier grand mouvement, le chœur éclate — littéralement. Les chanteurs se dispersent dans la nef, chacun dans une direction différente, tandis que Thierry Escaich improvise seul à l’orgue, toutes pédales dehors. Une sorte de fugue à la fois musicale et humaine, où la polyphonie devient mouvement. La liturgie prend un petit air de ballet contemporain, version encapuchonnée.

Mais très vite, tout se remet en place. Nouvelle section, nouveau départ : cette fois, c’est un marimba qui donne la pulsation. Oui, un marimba, en plein Te Deum. Et ça marche. La rythmique s’installe, les cordes viennent battre la mesure décomposée (plus que chanter), le chœur recommence à grimper, porté par les langues mêlées du latin et du français. On reconnaît des fragments de psaumes, des échos de l’Ancien Testament.

Une cathédrale en enceinte hi-fi céleste

Puis vient le final. Et là, plus de mystique, plus de demi-teinte : Escaich appuie sur tutti. L’orgue tonne, l’orchestre explose, les voix se dressent. Un mur sonore se forme, dense mais limpide, comme un halo en Dolby Atmos. On se croirait à l’intérieur d’une enceinte géante bénie par le nouveau pape. Avant cette montée en puissance, une jeune chanteuse de la Maîtrise vient poser un solo bouleversant, suspendant l’espace juste avant l’explosion finale.

© D. Guedez-L. Hoarau

Tout est à sa place : pas un cri, pas un effet de trop. Simplement une cathédrale redevenue vivante, vibrante, résonnante. Une enceinte divine, à la hauteur du monument.

À lire également : Notre Dame, le réveil de l’orgue, épisode 3 : Jean-Pierre Leguay

Ce Te Deum n’est pas une œuvre de commémoration : c’est une œuvre de résurrection. Écrite pour un lieu précis, à un moment charnière, elle parvient à capter l’esprit du lieu sans céder au cliché. Escaich joue avec l’acoustique comme un architecte sonore, et transforme la pierre en prière. Cette fois, c’est sûr : Notre-Dame n’a pas seulement retrouvé son toit. Elle a retrouvé sa voix.

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