FESTIVAL – Tous deux récents lauréats de la Fondation Gautier Capuçon, les frères Ispir – Luka au violon et Léo au violoncelle – ont brillamment ouvert les concerts de midi destinés aux jeunes interprètes en émergence, programmés dans la grande salle du Koïfhus.
Déjà bien engagés en carrière, seuls ou à deux, les frères Ispir ont donné une partie du programme enregistré au disque chez Warner Classics/Erato. Fruit de leur complicité naturelle et de leur passion partagée pour la musique, Luka et Léo Ispir témoignent déjà de convictions bien établies et d’une sensibilité qui affleure à chaque morceau. C’est le plus jeune des deux, Léo, qui s’adresse directement au public pour expliquer leur choix musical et les orientations définies. Ambitieuses, vastes et diversifiées, passant de Mozart, Haendel ou Maurice Ravel à Fazil Say, qui a composé pour eux une pièce exigeante : Street of Memories, op.115. Cette création à la frontière du tonal et de l’atonal, donne à entendre un violoncelle agissant dans les profondeurs de l’âme tandis que la partie réservée au violon exprime plus de clarté et de lyrisme.
Siamois, si à toi
Les deux instruments se complètent et se complaisent dans une atmosphère qui parle à l’intime et prête à la réflexion. La Sonate pour violon et violoncelle, M.23 de Maurice Ravel composée dans les années 1920, touche toujours l’auditeur par son austérité et sa rigueur d’écriture, voire même son âpreté dans son premier mouvement. Dédiée à Claude Debussy, cette Sonate préfigure un Ravel aux harmonies plus contemporaines, différentes de ses œuvres antérieures. Avec toute la fougue et l’énergie de la jeunesse, Luka et Léo Ispir livrent une interprétation vigoureuse et parfaitement convaincante du second mouvement Très vif, engagement qui traverse le final lui aussi Vif, avec entrain. Le troisième mouvement Lent permet aux deux musiciens de se répondre avec complicité et cohésion dans une sorte d’équilibre à la fois fragile et en constante renégociation. Une savante et puissante approche de cette Sonate redoutable.
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Colmar a du flair
Les autres pièces proposées se trouvaient être des arrangements pour leurs deux instruments, que ce soit la Passacaille de Haendel issue de la Suite pour clavecin en sol mineur ou, plus surprenant, le Duo n°1 pour violon et alto , KV 423 de Mozart, que les deux artistes font vibrer avec une sensibilité troublante. Plusieurs pièces courtes de Jean-Sébastien Bach (Préludes et Inventions) dans toute leur simplicité et leur intemporalité avaient ouvert la soirée. Cette dernière s’est conclue par une ovation du public présent au Koïfhus, charmé de déceler chez de si jeunes musiciens une telle maîtrise technique et instrumentale, alliée à une fraîcheur réconfortante. Les frères Ispir sont à l’aube d’une belle carrière et le Festival International de Colmar a de quoi être fier : il a révélé au public deux futurs grands !


