COMÉDIE MUSICALE – Retour d’une madeleine de Proust version paillettes et claquettes : Les Demoiselles de Rochefort débarquent sur la scène parisienne du Lido ! Jusqu’au 11 janvier 2026, on replonge dans cette France insouciante des sixties où l’amour surgit à chaque coin de rue.
Les Demoiselles de Rochefort : Késako ?
L’histoire, pour qui ne la connaît pas encore, c’est celle de Delphine la blonde et Solange la rousse, des jumelles artistes et rêveuses, qui vivent à Rochefort et rêvent de monter à Paris : l’une pour devenir danseuse à l’Opéra, l’autre pour intégrer le Conservatoire de musique. Mais surtout, elles cherchent le grand amour. Le temps d’un week-end débarquent une bande de forains, un marin beau gosse en quête de son idéal féminin et un compositeur américain célèbre.
Bref, Les Demoiselles de Rochefort, ce sont des destins qui s’entrecroisent avec de belles histoires d’amour et un scénario bien ficelé. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, il y a le film culte de Jacques Demy, sorti en 1967 avec Catherine Deneuve, sa sœur Françoise Dorléac et même Gene Kelly. Ce musical lui rend un hommage jubilatoire.
Rochefort : Broadway-sur-Mer
Jean-Luc Choplin et son équipe ont su s’affranchir du film pour réinventer l’univers sur scène, alors que le film était tourné essentiellement à l’extérieur. Ici, la mise en scène de Gilles Rico et la scénographie de Bruno de Lavenère font des miracles : le plateau coulisse, pivote, s’enfonce et remonte du sol grâce à une mécanique bien huilée. L’espace de l’ancien cabaret s’y prête plutôt bien : les comédiens bondissent dans les allées, alpaguent les spectateurs et transforment la salle en terrain de jeu. Sans oublier les numéros de claquettes qui donnent la pêche, beau clin d’œil à Gene Kelly et à l’âge d’or des comédies musicales hollywoodiennes.

Côté costume, Alexis Mabille jongle astucieusement entre nostalgie et modernité. Les robes jaunes et roses iconiques avec leurs collants assortis sont bien là, les robes rouges à paillettes aussi, sans oublier les fameuses babies, chaussures iconiques. Mais le créateur ose des échappées vers des robes plus modernes, blanches ou violettes, avant de lâcher en seconde partie un déferlement de sequins clinquants mais jamais vulgaire. Les marins arborent des uniformes blancs et dorés tandis que les nonnes se révèlent délicieusement canailles.
Demy 2.0
Le spectacle regorge de trouvailles : Boubou n’est plus le petit garçon du film, mais un jeune homme athlétique qui enchaîne saltos et acrobaties. Josette la serveuse gagne en épaisseur et livre un numéro touchant de girl-next-door qui se rêve en star. Et puis, il y a le texte de Demy, sacrément avant-gardiste à l’époque. Les sœurs jumelles qui flirtent sans complexe, et leur mère Yvonne (enfants de deux lits différents, patronne de son bar, financièrement indépendante) sont en 1967 des femmes résolument modernes.

Le cast :
Musicalement, c’est impeccable. L’orchestre, tapi derrière un rideau quasi-transparent, restitue avec finesse l’hybridation entre jazz, classique et swing du maestro Michel Legrand. Les interprètes assurent avec brio :
- Mention spéciale à Paul Amrani alias Andy Miller, venu tout droit de Broadway, qui chante avec un accent irrésistible.
- La maman, Valérie Gabail alias Yvonne possède une voix chaleureuse.
- Arnaud Leonard (Simon Dame) et David Marino (Maxence) assurent avec des timbres puissants et généreux.
- Et on n’oublie pas bien sûr les deux sœurs : Juliette Tacchino (Delphine) affiche un air angélique et une voix cristalline et surtout la superbe Marine Chagnon (Solange) réalise un sans-faute. Habituée des scènes lyriques, elle déploie une voix riche et expressive.
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Quand le final éclate, réunissant tous les amoureux dans un numéro digne d’une comédie musicale hollywoodienne, on se dit que l’on vient de croquer un gros bonbon sucré. Et que l’on en veut encore. On ressort de là requinqués, prêts à affronter l’hiver en fredonnant « Nous sommes deux sœurs jumelles, Nées sous le signe des gémeaux, Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do, Toutes deux demoiselles, Ayant eu des amants très tôt…». Un spectacle bourré de vitamines, qui fait swinguer le corps et le moral.

