COMÉDIE MUSICALE – Les Producteurs, la comédie musicale de Mel Brooks mise en scène par Alexis Michalik, retrouve les planches du Théâtre de Paris avec de nouveaux interprètes dans les rôles principaux. Un spectacle qui mêle l’humour grinçant aux paillettes de Broadway, servi par une troupe remarquable.
Vous aimez le malaise, la gêne, l’embarras ? Vous avez un attrait tout particulier pour le mauvais goût ? Alors courez voir Les Producteurs au Théâtre de Paris ! Un spectacle à prendre – comme cette entrée en matière – au dixième degré.
Faux plan, vrai succès
Un producteur de Broadway dont la carrière et les finances s’essoufflent, s’allie à un jeune comptable épris des feux de la rampe. L’idée ? Une fraude à l’assurance qui leur permet, en cas de four le soir de la première, d’empocher l’argent investi dans le spectacle. Le plan ? Monter la comédie musicale la plus catastrophique possible. L’œuvre choisie ? Des fleurs pour Hitler, sur un livret d’un certain Franz Liebkind, nazi non repenti éleveur de pigeons à ses heures. Voilà l’intrigue du film de Mel Brooks Les Producteurs, sorti en 1968 et adapté pour la scène en 2001. Après deux saisons au Théâtre de Paris et deux Molière, la comédie musicale (en français) mise en scène par Alexis Michalik fait un retour fracassant, avec une nouvelle distribution pour les deux rôles principaux.

Passé le malaise
On imagine bien que les blagues sur les nazis occupent une place centrale dans la pièce de Mel Brooks – mais aux dernières nouvelles, personne ne s’est manifesté pour le déplorer. En revanche, on s’étonne qu’Alexis Michalik ait fait le pari de conserver tout ce qui, à l’époque du film, était décrit comme « politiquement incorrect » mais qui, en réalité, frôle l’homophobie ou le sexisme. Il y a un vrai moment de malaise initial, où l’on se demande si l’on peut rire de ces caricatures de la communauté gay, ou de cette actrice prête à tout pour réussir. Mais l’outrance, le cliché peuvent parfois court-circuiter l’offense : c’est heureusement ce qui arrive ici et, la gêne dépassée, la salle rit à gorge déployée. Il faut dire qu’en plus de sa science du rythme et des changements de décor à vue, le metteur en scène ne recule devant aucune bonne idée lorsqu’il s’agit de mauvais goût : croix gammée à paillettes, bottes militaires à fers (pour les claquettes, bien sûr !), robe-bretzel, chorégraphie de déambulateurs… Et croyez-le ou non, c’est un vrai plaisir ! Qui aurait imaginé que tant de kitsch, d’excès et de malaise réunis pouvaient faire ainsi l’unanimité ?

Troupe de choc
La partition, malgré les nombreux Tony Awards que le spectacle a remportés à sa création, n’est pas des plus intéressantes, avouons-le. C’est sans aucun doute la mise en scène, les décors, les costumes, et surtout les interprètes qui font la saveur de la production. Pourtant, ce n’est pas un chanteur qui s’est vu confier le rôle de Max Bialystok ; mais Florent Peyre, loin de faire connaître un four au spectacle, se révèle extrêmement convaincant vocalement, en plus de ses qualités de jeu : un pari, certes, mais totalement gagnant. Alexandre Faitrouni, familier des comédies musicales, s’épanouit au fil de la soirée sur tous les plans – la voix, le jeu, la danse – notamment dans les scènes avec l’inénarrable Ulla de Roxane Le Texier.
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Et si le Franz Liebkind de Régis Vallée a bien des arguments comiques, Julien Mior incarne un faux Hitler absolument irrésistible vocalement et scéniquement, accompagné d’une troupe de danseurs/chanteurs qui porte avec talent le spectacle sur ses épaules. « Retrousse tes manches, conquiers la France » chante-t-il dans son grand numéro : à voir l’enthousiasme du public, le Théâtre de Paris est déjà conquis !

