CONCERT – La première fois que des Norvégiens ont débarqué à Tours, c’était en 853. Ils n’ont pas laissé que des bons souvenirs. Heureusement, de l’eau a coulé depuis sous les ponts de la Loire. Bonne nouvelle : ils ont troqué leurs armes contre des instruments, et viennent jouer la musique d’Edvard Grieg sous le commandement de la cheffe Maria Badstue, accompagnée du pianiste François Dumont.
Nouvelle saga norvégienne à Tours
S’il revenait à Tours à bord de son drakkar, le chef viking Hasting serait bien étonné. D’abord en voyant la ville qu’il avait pillée et incendiée entièrement reconstruite, en plus imposante. Ensuite, en entendant son compatriote Grieg joué à l’opéra. « Par Odin ! Ils ne sont pas rancuniers, ces tourangeois ! Bon, ça va pour cette fois. J’achète une bouteille de vin et je rentre au pays. » Il faut dire que la musique d’Edvard Grieg a cette puissance d’évocation qui invite à la rêverie nostalgique, non dépourvue de fierté. Qui de mieux pour conduire l’Orchestre symphonique région Centre-Val de Loire à travers cette épopée que la cheffe danoise Maria Badstue, passée par l’Académie nationale de musique de Norvège ? Un parcours qui rappelle celui de Grieg, proche dans un premier temps des « scandinavistes » danois Johann Peter Emilius Hartmann et Niels Gade, qu’il a désavoués par la suite pour se tourner vers une musique plus intimement norvégienne, mâtinée d’inspirations folkloriques.
C’est beau, c’est beau… c’est boréal
Évidemment, on ne peut parler Edvard Grieg sans penser à son célèbre « Au matin », tiré de Peer Gynt et décliné sous forme de suite orchestrale. C’est cette version qui en est jouée ce soir. Peu importe s’il s’agit en vérité d’un lever de soleil sur le désert marocain : dans l’imaginaire populaire, cette mélodie évoque irrémédiablement les fjords. Vient ensuite le célébrissime Concerto pour piano en la mineur, exécuté avec verve par François Dumont dans un phrasé limpide qui rend perceptibles les accents traditionnels. La seconde partie du concert est consacrée à une œuvre de jeunesse : la Symphonie en ut majeur, que Grieg avait formellement interdit de faire jouer de son vivant. On y reconnaît des influences de Beethoven et surtout de Mendelssohn, mais pas grand-chose de norvégien. Son dernier mouvement, triomphal et enjoué, vaut tout de même le détour, avant de s’en retourner chez soi, à pied ou en drakkar, l’âme apaisée comme après un long voyage.
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Autrement, les temps sont toujours aussi durs et incertains pour l’orchestre maison, en négociation avec la mairie pour la reconnaissance de son statut professionnel. La prise de parole des musiciens avant le concert a été chaleureusement applaudie. Une autre saga à suivre…

