AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueBoris Godounov à Lyon : a tsar is born !

Boris Godounov à Lyon : a tsar is born !

OPÉRA – L’Opéra National de Lyon présente le concours national du représentant russe au Concours Intervision de la chanson 2026. Vasily Barkhatov assure la mise en scène et Vitali Alekseenok la direction musicale dans ce spectacle télévisé où la vedette principale est Boris Godounov. Voici notre compte-rendu :

“Dobry vecher Lyon ! Ici Lyonid Guillotinov, votre présentateur, humble serviteur et juge suprême. Bienvenue en direct du Kremlin-sur-Rhône pour cette grande soirée du Concours national Boris Godounov, l’événement où la Russie choisit son représentant pour le Concours Intervision de la chanson 2026. Ce soir, un concours unique : cinq candidats, un trône, et un seul verdict. Le public vote, le pouvoir décide, et moi, Guillotinov, je tranche.

Depuis le grand succès de la renaissance du Concours Intervision dans notre mère patrie, la prochaine édition se tiendra à Riyadh en Arabie Saoudite, réunissant les pays BRICS et le reste du monde libre qui fuit les paillettes décadentes de l’Europe.

© Jean-Louis Fernandez

Voici nos chanteurs :

  • Boris Godounov, ancien favori du parti, basse d’État depuis 1598, revient ce soir défendre son grand tube : « Ô conscience, rends-moi mon sommeil ».
  • Face à lui, Grichka Otrepiev sous son nom de scène Le Faux Dimitri, jeune espoir du label Polska Records, qui viendra chanter « I’m Not Dead Yet »
  • Prince Chouïski, le ténor du machiavélisme radiophonique qui manipule non seulement la voix, mais les opinions aussi.
  • Pimène, le moine archiviste interprète sa ballade comme un pope rétro, chronique mélancolique et liturgique des péchés du pouvoir.
  • Son collègue licencié Varlaam, le moine itinérant, chanteur folk et fournisseur agréé de vérités approximatives, avec son tube « La prise de Kazan ».

Les coulisses du pouvoir

Ainsi s’annonçait le début de ce spectacle télévisé sur le Pervy kanal du service public, et l’envoyé spécial de Classykêo, présent en coulisses, rapporte ses impressions :

“Le metteur en scène Vasily Barkhatov entasse les artistes et les choristes dans la green room au fond du plateau et sur plusieurs niveaux, telle une kommunalka soviétique, avec des solistes au premier plan. Le chœur (préparé par Benedict Kearns) chante juste, puissamment et en équilibre. Il est une masse inerte, un peuple de zombies scotchés à leurs téléphones, qui regardent leur destin défiler en streaming dans ce Game of Thrones façon tsars. Pour des raisons qui ne tiennent probablement ni aux sanctions occidentales, ni au budget décimé au profit de l’armée, la scénographie (travail de Zinovy Margolin) est plutôt modeste. L’intronisation de Boris est volontairement sobre et austère, son pupitre fait de tabourets entassés. La cellule de Pimène est figurée avec un lit militaire et un petit bureau, et l’auberge de frontière avec une tireuse à bière mobile.

© Jean-Louis Fernandez

La deuxième partie propose des décors plus colorés, voire carrément enfantins : une aire de jeux avec toboggans et piscine à balles, mais peuplée d’enfants malheureux et malades, sous la supervision d’adultes dépassés qui s’en mêlent et transforment les jeux en tragédie. Le sens du propos scénique de Barkhatov devient moins clair, et un sentiment d’inaboutissement reste palpable parmi les téléspectateurs. Par ailleurs, il commet le sacrilège de couper cette version 1869 de Boris Godounov en scènes, et d’y introduire un entracte, donnant le sentiment de discontinuité de l’œuvre. »

Performances à la loupe

  • Boris Godounov (Dmitry Ulyanov) est un tsar hanté par sa conscience. Il s’exprime avec un vibrato ample mais maîtrisé, une voix sombre et un timbre charnu. La prestation est souveraine et haute en couleur, le jeu d’acteur très convaincant et l’appareil juste et sonore, digne d’un tsar.
  • Pimène (Maxim Kuzmin-Karavaev) chante d’une voix vibrée mais nourrie. L’intonation est stable et la prononciation impeccable. Il s’associe avec Chouïski dans le complot pour renverser Boris, hypnotise ses interlocuteurs par ses paroles et sa croix (qu’il manie tel un pendule).
  • Grichka Otrepiev (Mihails Culpajevs) chante d’une voix lumineuse et juvénile, avec une bonne articulation et une vraie élasticité vocale.
  • Le Prince Vassili Chouïski (Sergey Polyakov) est un conspirateur rusé, un ténor clair et svelte, au phrasé expressif et aux aigus solides, quoique parfois poussifs.
  • Le moine éméché Varlaam (David Leigh), jovial et exubérant, au rythme solide malgré l’état d’ivresse chronique, affiche une voix tonitruante. Quand la bouteille remplace le micro…
Parmi les candidats secondaires, on trouve :
  • Andrei Chtchelkalov (Alexander de Jong) avec une prosodie solide, mais sans force et finesse dans le phrasé.
  • l’Aubergiste à la frontière lituanienne (la soprano Jenny Anne Flory), vocalement lumineuse.
  • le policier Nikititch (Hugo Santos), ici sans uniforme, matraquant le peuple d’une autorité grinçante, d’une voix sombre et incisive, quoiqu’instable dans l’articulation et la justesse. 

Intervision Junior

Tout comme l’Eurovision, le concours Intervision présente une version “kids”. Trois candidats, dont deux enfants du tsar et un adulte idiot, chantant dans cet espace multicolore et ludique. Féodor (Iurii Iushkevich) est un garçon sur le spectre autistique, reclus en lui-même, faisant des calculs mathématiques et comptant les provinces de Russie comme les stations de métro. Sa voix juvénile se projette droite, tout en justesse, tandis que sa sœur Xénia (Eva Langeland Gjerde) paraît trop mûre vocalement pour son âge, dramatique et vibrée, incomprise, émue et même dérangée par ses souffrances amoureuses. L’Innocent (Filipp Varik) est un candidat simple d’esprit mais illuminé, un peu scolaire mais d’une justesse impeccable. La Nourrice (Dora Jana Klarić) surveille ce petit monde avec sérieux et sévérité, de ses graves amples et nourris. 

© Jean-Louis Fernandez

Le chœur d’enfants (la Maîtrise de l’Opéra de Lyon) accompagne les candidats enfants et apportent jovialité et luminosité à cette atmosphère de tourmente, d’un chant précis, soudé et en parfait équilibre avec la fosse. L’Orchestre de l’Opéra de Lyon, dirigé par Vitali Alekseenok, est un peu inégal et moins somptueux, mais n’est pas dénué de moments hautement dramatiques et solennels, portés par des cloches sur scène, cœur battant du désastre.

Le verdict du jury

Le vote du public étant bien sûr inutile et insignifiant dans ce concours, on annonce en grande pompe les votes du jury :

  • Boris Godounov = 12 points
  • Le Faux Dimitri = 10 points
  • Prince Chouïski = 8 points
  • Varlaam = 7 points  
  • Pimène = 6 points  

Les lauréats du concours Junior : 

  • L’Innocent = 12 points 
  • Fiodor = 10 points
  • Xénia = 8 points

Coup de théâtre à la fin du spectacle : Boris est disqualifié pour meurtre et fraude électorale ! Le Faux Dimitri remporte la couronne, soutenu par la rumeur d’une ingérence polonaise. Sur les réseaux, les hashtags s’enflamment : #TeamBoris #IntervisionGate #Sopot1977. Côté junior, les internautes protestent contre la victoire de L’Innocent, car il est adulte ; Xénia cède à la pression, succombe à ses douleurs et se pend en public, tandis que Fiodor n’en a rien à cirer et continue ses calculs…

À lire également : Cours camarade, le vieux monde est derrière toi !

Les lumières du plateau s’éteignent doucement et l’animateur Lyonid Guillotinov clôt la soirée : “Merci à tous, camarades mélomanes et à l’année prochaine ! Le trône sera remis en jeu, la vodka au frais, et les votes… déjà comptés.”

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