AccueilCritiquesVoguer avec Sequenza 9.3 : un "ensauvagement" badin

Voguer avec Sequenza 9.3 : un « ensauvagement » badin

COMPTE-RENDU – Du nord de Paris au sud du 93, vivez l’expérience d’une croisière polyphonique où la joie de la musique des années d’or de la Métro-Goldwyn-Meyer s’accorde avec l’exigeance de l’ensemble vocal Sequenza 9.3 et la folie de sa cheffe Catherine Simonpietri.

C’était il y a quelques années au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, à l’issue du quintette pour piano en fa mineur op. 34 de Brahms. Le final avait été mené avec frénésie, les interprêtes faisant fi de l’indication non troppo en suffixe du presto indiqué sur la partition. Mon jeune voisin de gauche était visiblement emballé par la prestation – emballement que je partageais – et avait bien du mal à contenir physiquement sa joie. Ses mouvements de tête, un peu prononcés, était source d’inconfort pour le spectateur assis derrière nous puisqu’il somma mon voisin de « se calmer », juste avant de s’entretenir avec son accompagnatrice du déclin de la jeunesse. Le mot « ensauvagement » ne fût prononcé : ce concept n’était pas encore en vogue, en ces temps-là.

Ce petit moment de vie de parterre est routinier depuis les années 60, période à laquelle le rituel interactif des salles classiques fît l’objet d’une politisation symbolique. Quelques décennies plus tard, les acteurs de la musique classique, poussés notamment par la raréfaction du public dans les salles, tentent désormais de dédramatiser ces règles bourgeoises de bienséance. Le Théâtre des Champs-Elysées n’échappe pas à cette tendance, telle que le montre la republication sur son blog officiel d’un article bourré d’humour du site topito.com (on y apprend d’ailleurs qu’« harceler » par mouvements de tête intempestifs se dit headbanguer !).

Mais certains acteurs vont plus loin, et montrent que la musique classique est vivante, tant dans sa capacité compositrice que dans le renouvellement de son rapport au public. L’ensemble vocal Sequenza 9.3 est de ceux-là, en interprétant plus de 60 créations depuis 1998 et en apportant exigeance et finesse liéés à la tradition de la musique polyphonique, grâce à la vision exigeante de sa cheffe Catherine Simonpietri. Mais aussi en inventant des projets innovants tant dans leurs formes et mouvements que dans les ponts tissés entre les arts (théâtre, cinéma, cirque, arts visuels, arts numériques, etc.).

J’ai eu la chance d’assister samedi 28 août à un de ces projets un peu fous qui ne peuvent fonctionner que par la volonté et la passion de ceux qui les portent. Imaginez donc 8 chanteurs lyriques chantant a capella sur une péniche remontant le canal de l’Ourcq, donnant 8 concerts en 5 heures, perchés sur leur barge, à la merci des intempéries et attirant à quai des passants masqués et médusés. Médusés initialement par la forme du concert, puis aussi progressivement par son contenu. Le programme était principalement composé de musiques américaines du début du XXe siècle, aux mélodies reconnaissables (compositions de Gershwin, Willis, Porter, Youmans, etc.), dans des arrangements permettant de faire découvrir les subtilités du contrepoint.

Lors du premier concert, situé au parc de la Villette dans le 19e arrondissement de Paris, on m’avait aimablement attribué une place sur le pont, à proximité des artistes, me permettant de voir leurs interactions, qui dénotaient concentration et plaisir partagé. Me faisant tout petit pour ne pas les gêner, je me suis alors senti empêché de vivre la musique avec mon corps comme jadis mon voisin de gauche du Théâtre des Champs-Elysées. D’autant que les spectateurs, eux, n’étaient entravés par aucune contrainte, et beaucoup en profitaient pour bouger et danser. A l’arrêt suivant, à Pantin, dans le 93, je pus me mêler à eux et profiter d’un moment d’« ensauvagement » badin.

Prochains concerts de Sequenza 9.3 à retrouver ici.
A noter un concert live retransmis dans l’excellente émission de Clément Rochefort « Générations France Musique » le samedi 26 septembre 2020 à 16H.

Prochaines croisières artistiques sur le canal de l’Ourcq à retrouver ici.

Photos : Claire Leroux

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