COMPTE-RENDU – Les 19 et 20 novembre derniers se déroulait, au Théâtre de l’Athénée (Paris), Un homme qui marche, un spectacle fort et digne, porté par des musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris et des détenus de la prison de Meaux.
À vos règles !
Si vous tracez un triangle entre les stations de métro Havre-Caumartin, Opéra et Madeleine, vous trouverez L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Situé au cœur du Paris haussmannien, il est lui-même niché dans une cour intérieure, à l’abri de toute circulation, écrin intime pour théâtre singulier.
Théâtre à l’italienne d’une capacité de 549 places, ni trop grand ni trop petit, il est également doté d’une fosse d’orchestre de taille convenable. Son acoustique est parfaite, quelque soit l’endroit où l’on se trouve. Tous ces éléments font de lui le lieu idéal pour le théâtre musical, ce genre où le musical organise et justifie le théâtral.
Une musique de tréteaux
C’est là que s’est donné, les 19 et 20 novembre, le spectacle Un homme qui marche, réunissant sur scène 7 musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris, le ténor Loïc Félix, le comédien Glenn Marausse et 7 détenus du centre pénitentiaire de Meaux, en fin de longue peine. Ce spectacle, conçu et réalisé par la metteuse en scène Héloïse Sérazin, mélange habilement des extraits de L’histoire du soldat, de Stravinsky, des chansons de Kurt Weill et des textes des détenus.

L’histoire du soldat, de Stravinsky, sur un texte de l’écrivain et poète suisse Charles-Ferdinand Ramuz, est à la fois rugueuse et étrangement poétique. Virile et éternelle, elle parle du soldat qui « rentre chez lui » car « quinze jours de congé qu’il a », et qui espère revoir sa bien-aimée, sa mère et son village. Mais le Diable se dresse sur son chemin… Conte fantastique -où le Diable perd la partie !-, elle aborde les thème de la droiture, du devoir, de la tentation et de l’argent. Écrite pour 3 récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et 7 instruments (violon, contrebasse, clarinette, basson, cornet à pistons, trombone et percussions), c’est une musique de tréteaux, montable et déplaçable à l’envie, comme dans le théâtre de rue d’autrefois.
Un spectacle qui avance au pas de gymnastique
La metteuse en scène Héloïse Sérazin a saisi toute l’opportunité de cette mobilité intrinsèque de L’histoire du soldat, ainsi que de son sujet, pour en faire un spectacle fort, associant artistes professionnels et prisonniers, et pouvant se donner indifféremment en prison ou en salle de spectacle. Seules des bribes de l’œuvre originale de Stravinsky sont conservées, imbriquées habilement avec des chansons de Kurt Weill et des textes des détenus. Le Lecteur et le Soldat sont portés par le ténor Loïc Félix et les 7 détenus, qui vont même jusqu’à chanter ensemble. Quand au Diable, Glenn Marausse, il est malicieux à souhait et pousse également la chansonnette.
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Un spectacle très bien pensé, donc, et bien articulé, avec des changements de décor à vue par les participants sur scène, qui contribuent à l’allant de l’ensemble. Là se trouve le plus frappant : introduit par les pas lourds et cadencés des 7 détenus et de Loïc Félix, cet Homme qui marche avance résolument, au pas de gymnastique, porté par des interprètes engagés dont on oublie les étiquettes de base, et qui marchent ensemble, solidaires et porteurs d’espoir.
Il ne reste qu’un souhait à formuler : que ce spectacle soit repris, en conservant sa légèreté de spectacle de tréteaux et en tordant le coup à la lourdeur administrative des barreaux…