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Dans l’intimité d’Akram Khan

DANSE – Une expérience féérique et poétique sur le voyage initiatique d’un petit garçon devenu grand, du Bangladesh à Londres. Akram Khan danse l’histoire de sa vie dans «Chotto Desh», pour convaincre son père de sa vocation. Un spectacle à la croisée de la danse et du théâtre qui souligne l’importance de choisir sa propre voie quoiqu’en disent ses parents. 

La création la plus personnelle d’Akram Khan

Chotto Desh, qui signifie « petite patrie » en bengali, est le spectacle le plus personnel du chorégraphe britannique Akram Khan. Ce spectacle est une adaptation pour les plus petits de son solo à succès « DESH », créé en 2011. Il nous transmet les rêves et les souvenirs de l’enfant qu’il a été et qui ont fait de lui l’homme qu’il est devenu : l’un des chorégraphes contemporains les plus reconnus et célébrés à l’heure actuelle. 

À la croisée des mondes

Ses chorégraphies fusionnent la danse contemporaine occidentale et le Kathak, danse traditionnelle et narrative du nord de l’Inde, donnant ainsi naissance à une danse bouillonnante d’énergie, qui en met plein la vue. Akram raconte qu’enfant, il passait plusieurs heures à visionner des vidéos de Kathak en rembobinant certaines séquences pour apprendre les mouvements par cœur jusqu’à l’épuisement des bandes magnétiques des cassettes vidéo et même de l’appareil. C’est cet acharnement qui lui permit de suivre son rêve de petit garçon et de décrocher son premier rôle à seulement 13 ans dans Mahâbhârata, l’une des pièces phare de Peter Brook. Aujourd’hui, son spectacle Chotto Desh fait la réouverture du Théâtre de la ville après sept années de fermeture pour travaux. Un spectacle universel à la croisée du théâtre et de la danse pour petits et grands qui raconte la quête de l’identité.  

Enfance rêvée…

Grâce à des images de synthèse en noir et blanc dessinées au crayon et en perpétuelle mouvement, nous accompagnons le jeune Akram dans ses péripéties dans un pays imaginaire. Les images visuelles conçues par le designer Tim Yip (Oscar de la direction artistique pour Tigre et Dragon) donnent lieu à un décor magique et féérique, qui poursuit le danseur Nicolas Ricchini, alter ego du chorégraphe, dont les mouvements répondent de façon millimétrée à la voix off et aux animations visuelles évolutives. Son corps gracieux se fond dans un décor exotique et surréaliste. Ça commence par un problème de téléphone portable qui engendre l’appel vers un opérateur qui le questionne sur son mot de passe oublié. Akram comprend qu’au bout du fil l’opérateur est en réalité un enfant de 12 ans vivant au Bangladesh, ce qui le renvoie à ses origines.

Poésie en noir et blanc : la marque de fabrique d’Akram Khan © Richard Hauton

Et voilà comment le conteur devient le héros de son propre conte. Il se retrouve alors en plein milieu d’un carrefour routier au Bangladesh où il tente tant bien que mal de se faufiler à travers les voitures. Puis les scènes relatant sa vie s’enchaînent avec magie jusqu’à se retrouver dans un de ses rêves, plus exactement dans une forêt peuplée d’éléphants, de papillons, de crocodiles et de chaises géantes, pendant qu’il grimpe au sommet d’arbres ou vogue sur des bateaux. Un moment de pure poésie, cette forêt étant là pour nous rappeler la beauté de la nature et l’importance de la préserver. Nicolas Ricchini, virtuose, se déplace d’univers en univers, avec une grande facilité et sans jamais mettre son corps en pause pendant près de 50 min. 

Papa can you hear me ?

Mais derrière cet univers féérique se cache la quête d’identité et la construction de soi avec des parents étrangers. Comment peut-on se construire sans connaître son pays d’origine ? Comme le dit si bien Akram Khan : « C’est une pièce sur mon père et moi. Cela ne parle pas seulement de conflits de générations. Cela parle d’immigrants, de mes parents qui ont dû vivre un choc de culture alors qu’ils se sont installés à Londres. Cela parle aussi de leurs enfants, nés là-bas, ma sœur et moi, qui avons absorbé la culture britannique, et de la difficulté́ de mes parents à dialoguer avec nous, de ce qu’un Bangladais devrait être ou de ce qu’il est. » Quand les mots ne suffisent plus entre Akram et son père, c’est la danse qui prend le pas pour éviter les cris et débloquer la situation conflictuelle. Il essaye de convaincre son père par tous les moyens que la danse est sa vocation et que ça deviendra l’histoire de sa vie. Son histoire devient universelle et raconte celle de milliers d’enfants artistes, qui ont fait face un jour à leurs parents pour imposer leur voie. 

À lire également : Je vois, je vois… Enzo Saugar

Bref, Chotto Desh est un spectacle magique et poétique qui cache une réelle leçon de vie :  l’importance de trouver sa propre voie. Et pour l’illustrer, un seul danseur dans un décor numérique suffit pour retracer ce parcours initiatique qui restera dans les mémoires des petits comme des grands. Il est fort à parier que Chotto Desh continuera de se jouer à travers le monde. 

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