AccueilA la UneKantorow et Klaus Mäkelä : karnet de voyage à la Philharmonie

Kantorow et Klaus Mäkelä : karnet de voyage à la Philharmonie

COMPTE-RENDU – Asie, Egypte, un crochet par l’Angleterre pour rentrer en Allemagne (tout en remontant de la toute fin vers le milieu du XIXe siècle, avec un saut en 1600) : tel est le programme du parcours musical, à travers les siècles, les esthétiques et les continents que proposent le pianiste Alexandre Kantorow et l’Orchestre de Paris dirigé par Klaus Mäkelä. Carnet de voyage…

Nous partîmes le mercredi 15 novembre de l’an de grâce 2023, légers de cœur et de bagages (les « objets encombrants » ne passent plus les contrôles en ces périodes toujours troublées, alors les malles de voyage il ne faut même plus y songer !). Tant pis, tant mieux, nul besoin, pour notre groupe de voyageurs mélomanes nombreux à se presser bien avant l’embarquement aux portes de la Philharmonie de Paris, de prendre avec soi de quoi ramener des souvenirs : ce voyage est même capté (un caméraman se promène parmi les rangs des musiciens pour des gros plans). Nous craignîmes que la Compagnie soit tentée de nous vendre ses souvenirs, mais que nenni : nos diapositives de voyages seront gratuites et en streaming, avec le son c’est encore mieux !

Asie, Asie, pays merveilleux des contes de Maurice

Nous voguâmes ainsi vers l’Orient de « Shéhérazade », nom donné par Ravel à une « Ouverture de féerie » qui aurait dû être la première étape d’un voyage vers un opéra qu’il ne composa jamais… L’occasion d’entrevoir s’esquisser son esthétique (encore loin tout de même à l’horizon), mais avec déjà une approche subtile de « l’exotisme » qu’il partage avec l’autre compositeur français de ce voyage, Camille Saint-Saëns. Ils eurent en effet, tous deux, le bon bon goût de nous faire entrevoir les contrées vers lesquelles ce voyage voulait nous mener, mais sans prétendre y être déjà faussement arrivés : l’inverse en somme de ces faux musiciens traditionnels dans les charters-cruises qui vendent comme typique une couleur qui n’est locale nulle part.

Cela étant, si leurs musiques charmèrent notre voyage, force est de reconnaître qu’il n’en fut pas autant pour leurs caractères… Ce satané Saint-Saëns toujours enfermé dans sa cabine, nous répondit même sèchement, au moment de l’escale : « je me fiche des Pyramides, du musée de Gizeh et de toutes les mosquées du Caire » (il l’a même écrit dans sa lettre à Louis Gallet du 27 mars 1896). Sympa ! Mais bon, il put ainsi continuer de se concentrer sur sa composition, et si c’est bien lui qui créera son œuvre, ce fut pour nous l’occasion d’apprécier en lieu et place durant ce voyage une gloire du piano national : Kantorow.

Jeune moussaillon à l’âme d’un vieux loup de mer

Avant cela, avant même d’embarquer, le capitaine de voyage nous parut fort jeune, ce qui -ne le cachons pas- ne fut pas sans nous causer quelques inquiétudes en vue d’un si long et ambitieux périple, en mers et en terres agitées, sur un si gros navire si rempli. Mais décidément, la valeur n’attend pas le nombre des années chez certains. Ce capitaine nommé Klaus Mäkelä (Finlandais qui parcourt déjà le monde à la tête des plus fiers vaisseaux) est de ceux-là. Il dirigea ainsi aussi résolument son équipage que sa baguette-gouvernail. Ce chef bondissant, comme surfant les vagues sonores, demeura, toujours, un souple barreur dansant, agile à faire des voltes-faces à bâbord comme à tribord : un capitaine de gros temps surtout (à l’aise dans les intensités rythmiques), mais qui sut aussi voguer en eaux calmes et qui, toujours, montra la terre du bout de sa baguette.

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Les voyages forment la jeunesse, mais la jeunesse aura assurément informé ce voyage. Il en fut de même pour l’invité de marque, accueilli à bord dès la première escale : le pianiste concertiste Alexandre Kantorow. Celui-ci se fit ainsi co-capitaine de bord, connaissant par cœur le plan de navigation (nul besoin de partition), n’ayant pas à se faire remarquer, tant son piano parle et chante pour lui et avec lui, et avec l’orchestre dans d’exotiques aigus sautillants, ou résonnant avec le grave rayonnant du gong. Cela ne fut certes pas pour nous étonner, mais il sut encore et toujours nous surprendre, cet Alexandre Kantorow, dont il faut dire qu’il s’y connaît en voyages : né à Clermont-Ferrand, il alla jusqu’à Moscou gagner le Concours Tchaïkovski en 2019 avant de remporter deux Victoires de la musique Classique l’année suivante, notamment pour … ses gravures de Concertos de Saint-Saëns, dont ce 5ème, « L’Égyptien » interprété ce soir, avant d’aboutir aux États-Unis, où il vient d’être nommé Gilmore Artist de l’année, une distinction prestigieuse, décernée seulement tous les quatre ans.

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À bon (S)port

La fin du voyage fut pour le moins fatigante, pour le meilleur et pour le pire, pour l’intensité des contrastes de la Deuxième Symphonie de Schumann, et pour la très fausse-bonne idée de la faire précéder par quelques minutes de Dowland. Aucun rapport, deux siècles et demi et des océans esthétiques d’écart : encore une escale forcée, certes sur un beau rivage, mais dans un détour complet.

Heureusement, notre capitaine reprit vigoureusement le gouvernail et nous offrit une rentrée des plus cérémonielles au port d’arrivée !

Heureux qui comme nous, fit un si beau voyage.

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1 COMMENTAIRE

  1. J’y étais et ce fut un concert exceptionnel, époustouflant Kantorow quant au talent de Mäkelä, il ne cesse de nous ravir. Merveilleux concert !

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