COMPTE-RENDU – L’Opéra Grand Avignon présente, au Théâtre L’Autre Scène, à Vedène, « Le Blues du perroquet », un spectacle comique de la compagnie Les Variétés Lyriques, écrit, mis en scène et incarné par le baryton Guillaume Paire, accompagné par Florent Chevallier au violoncelle et Adrien Polycarpe au piano.
Le rossignol vole de Vedène à Singapour
L’oiseleur Papageno revient une fois encore se percher dans le Vaucluse, sous de nouveaux oripeaux (après Une flûte enchantée participative à l’Opéra Grand Avignon). Cette fois, c’est au tour de Guillaume Paire d’entrer sur scène, flûte de pan au cou, enthousiaste et gai comme un pinson au rythme de son sol, la, si, do, ré !
Il revient une fois encore, mais… d’un coup il interrompt son air : il en a marre de revivre soir après soir ce même manque d’amour, et ce depuis 233 ans (depuis la création de La flûte enchantée en 1791). Papageno vient ainsi se raconter, via Guillaume Paire, dans ce spectacle qui n’a rien d’une réduction du célèbre opéra, mais plutôt d’une réinvention. Il décide en effet tout bonnement et simplement d’annuler le spectacle et de renvoyer tous ces braves gens chez eux… « Merci, bonne soirée, au revoir ! ». Heureusement, la direction refuse d’annuler (car il faudrait rembourser tout le monde), et bien sûr, le public n’a aucune intention de partir…
À Lire également : Fables lyriques au Off d’Avignon, une Chouette soirée avec La Fontaine
Un chouette oiseleur
Dans un style très comique, malgré son désarroi, l’oiseleur parle comme un étourneau et pousse la chansonnette de-ci de-là, tout en réfléchissant à son rôle dans l’opéra et en remettant en question le texte qu’il répète encore et encore, tel un perroquet (c’est le cas de le dire). Il prend à partie le public sur son triste sort (attraper des douzaines de proies dans un filet pour lui tout seul, affronter la Reine de la Nuit remontée comme un coucou), le tout avec une légèreté et une expression d’amusement déclenchant l’hilarité de l’assistance (dont les rires s’envolent aussi haut que s’envolent les cris des oiseaux).
Le texte de ce spectacle est truffé de références au répertoire lyrique et d’allusions historiques. Papageno a deux papas (plutôt étonnant pour 1791) : Manu et Wolfy (soit Emanuel Schikaneder, le librettiste, et Wolfgang Amadeus Mozart, le compositeur de l’opéra). Cependant, ses demi-frères l’énervent un peu : le comte Almaviva, Don Giovanni et Leporello ont tous du succès avec les femmes. Face aux tourtereaux, lui n’a rien : de la roupie de sansonnet ! et il est contraint de faire le pied de grue, restant le bec dans l’eau. Dans son batifolage artistique, le comédien volette au-delà du catalogue de Mozart, chantant et abordant d’autres destins, évoquant l’inéluctable tombant sur Carmen comme sur Traviata (et philosophant sur le fait que le public applaudit en fait la souffrance des personnages d’opéra). Avec agilité et désinvolture, toujours avec un bon sens de l’humour, lui et ses collègues musiciens passent ainsi de Rossini à Saint-Saëns, de Beethoven à Aboulker, de Schumann à Fauré… Jusque là, tout va bien, mais ses collègues refusent de jouer autre chose que de l’opéra, alors que lui, il ne rêve que d’une seule chose : c’est de chanter Le Blues du businessman.
À Lire également : Le Charme à la Française, à l’Avignonnaise
Le petit oiseau va sortir
Le spectacle n’est clairement pas axé sur la qualité vocale, et le public est surtout attentif et enthousiaste envers ce show de paroles et de plaisanteries enchaînées avec grâce et légèreté. Le baryton fait néanmoins montre d’une voix généreuse et d’un joli timbre mais qui se montre instable vu combien il joue, improvise et bouge énormément pendant sa prestation. Le comédien interagit même très directement avec le public, apostrophant certains spectateurs qu’il repère de son regard d’aigle.
Proposant eux aussi un jeu virtuose débordant de sensibilité, les instrumentistes participent également au jeu du comédien avec des grimaces, des répliques, des chants et même en étant « possédés » par Papageno, qui peut passer à volonté d’un corps à l’autre.
Le spectacle est longuement applaudi… et les instrumentistes acceptent alors, enfin, d’accompagner le chanteur dans Le Blues du businessman : offrant une fin drôle et satisfaisante.
Comme quoi, petit à petit l’oiseau fait son nid…