COMPTE-RENDU – Sous la direction habile de Daniel Harding, l’Orchestre Philharmonique de Radio France convie à un voyage interstellaire avec Constellations d’Éric Tanguy et Les Planètes de Gustav Holst. Décollage époustouflant vers les confins de l’univers musical.
En préparation de l’intégrale des symphonies de Sibelius en avril, sous la direction de son directeur musical Mikko Franck (qui passera le bâton à Jaap van Zweden), l’Orchestre Philharmonique de Radio France se plonge dans les œuvres ayant marqué le tournant du XIXe au XXe siècles. C’est ce soir bien haut vers le ciel (et au-delà) qu’il décolle avec Les Planètes du compositeur Gustav Holst. Le décollage et le premier étage de la navette sont assurés au début de concert par le compositeur Éric Tanguy – d’ailleurs grand admirateur et connaisseur de l’œuvre de Sibelius – avec ses Constellations pour grand orchestre (commande du 56ème Festival international de musique de Besançon en 2019).
Vers Sibelius et au-delà
Difficile d’imaginer meilleur Capitaine de vaisseau que Daniel Harding qui a pris en 2020-1 une saison artistique sabbatique pour devenir aussi pilote de ligne (de vrais avions). Il tient et tire ici le manche sonore jusqu’à faire monter cette phalange vers les astres, de sa gestuelle précise, active, maîtrisée dans chaque détail et très équilibrée. L’atmosphère à l’aspect d’abord nébuleux avec ses vagues de couleurs discrètement modales rappelle justement les œuvres post-romantiques de la fin du XIXe siècle. Les cordes isolent certains pupitres qui perdent en précision, mais l’effet est obtenu par l’attaque moelleuse que vise cette musique. La légèreté bascule toutefois vers une densité d’écriture orchestrale plus intense, plus hermétique à l’écoute par manque de repères mélodiques évidents. Cela n’empêche en rien le public d’applaudir chaleureusement le compositeur qui vient remercier les artistes et saluer sur scène.
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Guerre et paix des étoiles
Et nous voici donc en orbite dans la galaxie, celle de cette pièce musicale Les Planètes dont les effets spectaculaires n’ont pas manqué d’inspirer des épopées cinématographiques. Les sensations ne manquent pas ce soir, avec une puissance sonore mais très définie, d’une appréciable brillance. Chaque planète revêt son caractère avec efficience. « Mars, Celui qui apporte la guerre » s’impose jusqu’à la violence, tandis que « Jupiter, Celui qui apporte la joie » l’apporte effectivement, tel un hymne sobre et prenant. Pour l’apaisante « Vénus », la violoniste Hélène Collerette, au son très légèrement acide apporte une tendresse quasi enfantine, et la violoncelliste Nadine Pierre un timbre teinté d’une lumière réconfortante. Les filles les plus accomplies de la Maîtrise de Radio France apportent depuis les coulisses l’ultime touche de mystique lors du tableau final « Neptune ». Quoiqu’invisibles et donc sans visibilité ni écoute directes du plateau, la justesse de leurs couleurs (préparées avec Morgan Jourdain) se déploie malgré une homogénéité perfectible.
S’éloignant progressivement plus encore dans le lointain des coulisses, la Maîtrise conduit aussi ce voyage spatial dans un long et profond silence que le public parvient à respecter religieusement avant d’offrir d’heureux applaudissements pour l’ensemble des musiciens.