AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - DansePreljocaj ou le génie en trois temps à Versailles 

Preljocaj ou le génie en trois temps à Versailles 

DANSE – Le prestigieux ballet de Preljocaj revient après Blanche Neige à Versailles qui présente comme un hommage aux ballets russes un ‘Triptyque’ permettant de voir l’étendue du talent du chorégraphe. C’est aussi l’occasion de redécouvrir deux de ses pièces d’anthologie : ‘L’Annonciation’ & ‘Noces’ accompagnées d’une nouvelle création ‘Torpeur’. 

Ce ballet triptyque permet de nous immerger dans le travail d’un des plus grands chorégraphes français : Angelin Preljocaj. Un Triptyque riche, chorégraphique et cohérent, Torpeur (2023) ayant même été pensé par rapport à ses deux œuvres fondatrices que sont L’Annonciation (1995) et Noces (1989). Ces trois pièces s’articulent magnifiquement bien et nous plongent dans plusieurs états émotionnels. Mais le clou du spectacle reste « Noces » : le propos est violent, l’œuvre subjugue pourtant. Au final, l’Hommage aux Ballets Russes tel que l’annonce Versailles se retrouve plutôt dans l’audace chorégraphique et dans une trilogie de liens plutôt métaphoriques (spiritualité religieuse, surréalisme et… Stravinsky).

L’Annonciation – quand la spiritualité rencontre la danse

La soirée en ces temps de Pâques s’ouvre toutefois avec l’Annonciation (retour à la Naissance en ces temps de Résurrection). En 1995, Preljocaj s’attelle à cet épisode biblique entre la Vierge Marie et l’Archange Gabriel, signant l’un de ses plus beaux duos féminins. Dans un décor minimaliste avec une lumière rouge et sur la musique du Magnificat de Vivaldi mixé avec une partition électronique du compositeur canadien Stéphane Roy, la vierge Marie en blanc, seule, se réveille. On entend des rires d’enfants au loin puis un bruit d’éclair, et Gabriel surgit dans toute sa puissance. La Vierge Marie traverse alors les états décrits par les versets de l’évangile : « attente vague, frayeur soudaine, stupéfaction, incompréhension, lutte et acceptation ». L’étreinte charnelle entre l’ange et la vierge magnifiquement interprétés par Verity Jacobsen et Mirea Delogu crée une atmosphère de transcendance jusqu’au baiser final. Leur connexion est palpable et évoque grâce à un jeu de lumière subtil la rencontre entre le divin et la condition humaine : l’Ange d’Angelin passe…

Torpeur – un lâcher-prise explosant de sensualité

Avec cette création, Preljocaj explore justement l’état de “torpeur”, cet état du corps entre abandon de soi et renoncement… traduit ou plutôt conjuré par une tornade d’énergie et de danseurs qui sautent, s’élancent, se croisent sur un rythme effréné de la musique de 79D mais pour mieux ralentir, voire s’arrêter tout à fait avec un cercle final au sol rappelant les chorégraphies kaléidoscopiques de Jasmine Morand. Le ralentissement entre l’air et le sol s’opère aussi par un moment d’accalmie où les danseurs se déshabillent lentement pour se retrouver en sous-vêtements (quasi-invisibles) couleur chair. Des corps et des ports beaux à couper le souffle, qui insufflent dans cette chorégraphie une certaine sensualité du lâcher prise. Et l’apogée arrive quand les corps s’allient de façon millimétrée formant une magnifique fresque au sol, une illustration parfaite de la technicité de synchronisation et de combinatoire spatiale.

Noces rebelles face au machisme 

Clôturer avec Noces, c’est finir avec une valeur sûre, une des pièces fondatrices du chorégraphe qui fit connaître la compagnie à l’internationale. Créée en 1989 sur la musique Noces de Stravinsky, racontant un mariage paysan en Russie, elle puise son inspiration dans les traditions balkaniques. Elle aborde plus particulièrement le thème des mariages traditionnels arrangés, auxquels assistait Angelin Preljocaj enfant. L’imaginaire de la violence nuptiale y est omniprésent. Cinq couples s’affrontent avec violence : cinq femmes pour enfants en robes courtes de velours rouges, noires, bleues tiennent tête à leurs cinq époux machistes en chemises blanches et cravates noires, dans une lutte pour échapper au carcan familial. Une chorégraphie d’une grande violence où les femmes deviennent des poupées de chiffon, des monnaies d’échange malmenées jetées en l’air. Il en faut de la force physique et du lâcher prise, lors de cette scène grandiose, où les femmes grimpent sur des bancs puis se jettent dans les bras de leurs partenaires comme un signe de renoncement vers « le rapt consenti » comme le décrit Preljocaj (et une certaine historiographie). On comprend que malgré leur rage et leur combat, elles n’ont pas pu échapper à leur destin tragique. 35 ans plus tard, ce trésor chorégraphique n’a pas pris une ride résonnant toujours aussi fortement (si ce n’est davantage) aujourd’hui. 

Une soirée accomplie à découvrir sans plus attendre (jusqu’au 5 avril) dans l’écrin féérique de l’Opéra Royal du Château de Versailles.

À Lire églament : Blanche-Neige - un ballet nommé désir
- Espace publicitaire -
Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Espace publicitaire -

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

- Espace publicitaire -

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]