DANSE – Le Dance Theatre of Harlem se produit pour quatre soirées exceptionnelles, et quatre programmes différents, au New York City Center. Le 90e anniversaire de la naissance d’Arthur Mitchell, fondateur de la compagnie, se mêle alors à un spectacle-manifeste, montrant de nouveau l’impact politique et esthétique du DTH.
Renaissance
Le Dance Theater of Harlem est l’une des compagnies américaines qui a marqué l’histoire : créée en 1969 par Arthur Mitchell, c’est la première compagnie américaine qui présente des danseurs afro-américains sur scène, et dans le contexte américain des années 1970, tout est presque dit. Multipliant les prises de position esthétiques, politiques et culturelles, le Dance Theatre of Harlem a eu un impact concret, en promouvant l’usage de vêtements « chair » à la couleur de la peau des danseurs par exemple, mais aussi invité à une dimension multiculturelle, en se réappropriant un répertoire jusqu’alors vu comme « White », et en y associant des mouvements plus proches de la culture afro-américaine.
En 2024 au New York City Center, ces combats semblent toujours d’actualité, et le Dance Theater of Harlem l’a bien compris. Le programme de cette soirée est donc bien politique. On y retrouve le « Pas de Dix » de Balanchine, en tutus et collants, créé en 1955 par Maria Tallchief (danseuse Native-American qui a fait beaucoup parler d’elle à la sortie du dernier film de Martin Scorcese, Killers of the Flower Moon, représentant la communauté Ondatjee), une belle manière de montrer que non, le répertoire n’est jamais réservé à certaines personnes. Référence aussi à l’histoire de la compagnie, puisque qu’Arthur Mitchell avait fait sa carrière au New York City Ballet. Dans le même esprit historique, la création Blake Works IV de William Forsythe est un hymne à la danse néo-classique dans la suite de Balanchine.
Masterclass
Si l’ombre d’Arthur Mitchell plane sur toute la soirée, Juan Carlos Penuela ne manque pas de nous rappeler les différentes figures de la constellation DTH, où la notion de communauté artistique du Dance Theater of Harlem s’envisage aussi comme un partenariat avec des talents « maison », comme Robert Garland, qui fait la chorégraphie du Nyman String Quartet No.2, ou encore d’échanges avec des chorégraphes extérieurs, comme le danseur polonais Robert Bondara pour le duo Take Me With You, dansé avec grâce par Amanda Smith et Elias Re.
À lire également : Kellen Gray : « Nous concevons les fondements de notre art sur une histoire incomplète »
Pendant toute cette soirée, on est en effet marqué par la grande technique des danseurs du Dance Theatre of Harlem, capables de se couler dans un style comme dans un autre, et montrant un talent évident pour cette danse classique « américaine » qu’ils ont rendue si célèbre. Ici il ne s’agit pas de se couler dans la masse, mais au contraire de s’affirmer, et la compagnie montre chaque danseur comme un talent unique. Si l’on remarque évidemment les rôles solistes, comme David Wright, chaque danseur sur scène montre une personnalité bien distincte, où l’identité artistique a part égale avec la chorégraphie. De la même manière, l’absence de Lucas Castro pendant cette soirée montre aussi la solidarité de la compagnie, qui le remplace au pied levé, et avec le sourire. L’énergie artistique de la compagnie, si elle n’est plus à prouver, a ici été bien démontrée.