Storm : contre vents et ballets

DANSE – La chorégraphie de Storm, créée en 2021 et signée Emilio Calcagno, est une mise à l’épreuve des corps du Ballet de l’Opéra Grand Avignon, face à la gravité horizontale de l’air ambiant du Pavillon noir, pulsé par l’ouragan de sept ventilateurs industriels.

Électro saxo : la musique dans le vent

Les musiques de Mathieu Rosso et Denis Guivarch vont de la vaste coulée planante, au martellement cardiaque qui fait vibrer la carotide et le plexus solaire du public. Elles relèvent de l’urgence, de la sirène, tandis que les lumières semblent montrer des sorties de secours : courses-poursuites et hotspots d’un dancefloor apocalyptique. Le décor est un non-lieu, ou lieu de passage, saisi à même la scène : entrepôt noir, aux coulisses indistinctes, comme deux bouches d’ombres en fond de scène (lumières et décors d’Hugo Oudin).

Le pas sautille ou se déhanche, sur une cellule rythmique pointée, entre le code Morse et la batterie, les interprètes semblant jouer à une marelle cosmique, entre enfer et paradis, ordre et chaos. La synchronie est la première grande exigence de cette danse, la seconde étant la capacité à résister à la force contraire des ventilateurs industriels. Chaque danseur, à sa manière, éprouve la pesanteur de l’atmosphère, comme une hirondelle qui aurait du plomb dans l’aile. La musique offre son tissu crêpé aux différentes séquences du ballet, qui racontent l’histoire d’un monde, de plus en plus soumis à ses propres intempéries.

Danse : ça turbine !

Un peuple de 14 danseurs, deux par ventilateurs, trace une géométrie sacrée. À marche lente, avec un regard de statue, les avancées et reculs des corps forment des figures parfaites, comme répertoriées par une tradition antique : les cercles se font, se défont, se croisent, s’aplatissent, s’égayent, avec cette liberté de mouvement que le chaos des grandes hélices ne vient pas encore faire exploser. Les bras ont quelque chose d’aigu, de contondant. Ils fendent l’air, à l’avant, à la proue du corps, s’insèrent dans la chair aérienne, et terminent leur brasse à l’arrière, devenus inutiles. Parfois, ils s’entrecroisent d’un corps à l’autre, formant une cordée, un être à hélice, sorte d’hydre à sept têtes qui se plie et se déplie, sur la ligne médiane de la scène.

© Studio Delestrade – Avignon

Non sans humour, la perfection géométrique emprunte à la danse classique ses grâces, ses pointes, ses jetés, ses révérences, ses toupies et ses couronnes. Les pas classiques sont dénaturés, dépassés, manipulés par le recul contemporain. « Vous-voulez que je saute ? » demande ironiquement un interprète, au public, tandis qu’il exécute, en les nommant, les principaux pas d’école de la danse – chasse, ciseau, jeté en manège, ballerine, etc.

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Puis le monde, par-delà la transe, vient à s’inverser : c’est le ventilateur qui donne de l’énergie à un corps humain, devenu hybride. Tout ce contrôle est mis à mal par la puissance électrique de l’hélice, structure primordiale prise à la nature et à son nombre d’or, transférée aux structures de carlingues et de fuselages. Il y a du cercle, du point central, du rayon, de la circonférence et du carré dans le ventilo ! 

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