CONCERT – Ce vendredi 31 mai, le Théâtre du Châtelet accueille une coproduction entre l’Orchestre de Paris, le chœur Les Métaboles, l’Ircam et le Big Band du CNSMDP pour un ciné-concert au sein du festival Manifeste. La Valse de Maurice Ravel et TRIO de Simon Steen-Andersen sont à l’honneur pour un travail audiovisuel décoiffant, avec la performance simultanée de quatre ensembles musicaux, dont un à l’écran.
Arte, 3h du mat’
Combien de fois vous retrouvez-vous à 3h du matin, zappant frénétiquement devant la télé, face à une insomnie insupportable ? Ce vendredi au Théâtre du Châtelet, les spectateurs ressentent ce même phénomène sur grand écran, grâce à une adaptation de l’œuvre TRIO de Simon Steen-Andersen. Des fragments courts entrecoupés animent l’écran, tandis que trois ensembles assurent la partie sonore en, 4K s’il vous plaît. Il faudrait préciser qu’il y a en réalité quatre orchestres sur scène, incluant ceux qui apparaissent parfois projetés à l’écran. Toutefois, ce zapping n’est pas aussi aléatoire qu’il n’y paraît : une thématique générale encadre les images projetées.
Secrets d’Histoire
Les orchestres se relaient avec des apparitions en noir et blanc puis en Technicolor, illustrant l’évolution des modes orchestrales et la direction des chefs d’orchestre. Le chef d’orchestre traverse différentes époques, changeant de style à chaque instant. Le côté frénétique se reflète aussi dans la musique : le premier accord, répété de nombreuses fois dans une juxtaposition de sons devenant des textures, est en réalité le dernier accord de la cadence finale d’un morceau d’orchestre, suivi du salut du chef. La figure du chef est mise en lumière, avec quatre chefs d’orchestre présents, dont un à l’écran bien évidemment.
Tout le Monde veut Prendre sa Place
Ceci dit, la direction de Brad Lubman, Simon Proust et Léo Margue pour, respectivement, l’Orchestre de Paris, le chœur Les Métaboles et le Big Band du CNSMDP, mène une coordination fulgurante pour réussir la complexité de l’œuvre. Chaque chef dirige avec audace sa partie sans pour autant être perturbé par le chaos externe des autres orchestres.
TRIO explore plusieurs univers sonores, créant des textures musicales à partir de cadences entrecoupées, de solos de jazz et même de sons analogiques par exemple, qui doivent concourir sur place avec les orchestres présents pour une juxtaposition des éléments. Elle récupère des traits de la musique contemporaine pour occasionner un clash avec d’autres genres et styles, mêlant parfois des extraits des œuvres de la musique dite savante.
Danse avec les Stars
Le TRIO est impressionnant, mais la première partie, menée par l’Orchestre de Paris, n’en est pas moins marquante. La Valse de Ravel prend vie sur l’écran grâce aux danseurs de la compagnie Zoo et à la chorégraphie de Thomas Hauert, filmée sous la direction de Philippe Guilbert. Cette danse, initialement rejetée par Diaghilev pour faire partie des Ballets russes, jetant un froid entre les deux artistes, représente un rêve acharné où la frénésie et l’extase règnent. Il s’agit d’une véritable décomposition de la matière, puisque les airs de Strauss, pensés initialement par Ravel pour figurer la danse classique, mènent à un désordre piquant, comme un fruit savoureux légèrement décomposé. La raison de ce goût amer au cœur de la musique vient du fait que la Première Guerre mondiale a interrompu la composition de la danse, plongeant Ravel dans une réflexion interne qui a dépassé ses ambitions initiales et donné un caractère différent à la pièce.
La danse, en parfaite concordance avec cette réalité, montre des danseurs dans une cohue frénétique (mais coordonnée !) sur la terrasse d’un gratte-ciel. L’écran se divise en trois vidéos simultanées pour donner une ampleur à la foule, offrant trois points de vue de la scène pour transmettre l’effervescence annoncée.
Et à la régie…
Le cadrage est signé Aliocha Van Der Avoort, le son et le mixage par Xavier Meeus, et le montage est réalisé par Boris Van Der Avoort, Thierry de Bey et Xavier Meeus. Dionysios Papanikolaou et Jérémie Bourgogne de l’Ircam contribuent pour l’informatique musicale et la diffusion sonore.
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Cette production se démarque par le travail réussi pour marier son et image, captivant chaque spectateur avec un spectacle atypique et apprécié. En sortant du théâtre, vous avez l’impression d’avoir senti la frénésie, l’exaltation et la décomposition de la matiere, tout en explorant des dimensions inconnues de la musique et de la danse. Si seulement la télé pouvait nous offrir ça plus souvent…