Zéphyr : Merzouki est dans le vent

DANSE – Sur la scène du Théâtre du 13ème art, Mourad Merzouki nous invite à un voyage envoutant avec sa dernière création Zéphyr. Mêlant avec virtuosité le hip-hop et le souffle du vent, le chorégraphe sculpte des tableaux poétiques et puissants, transportant le public en pleine mer quitte à dériver dans des contrées lointaines. 

Mourad Merzouki : un explorateur insatiable du Hip-Hop  

© Julie Cherki

Depuis plus de vingt ans, le chorégraphe Mourad Merzouki, figure emblématique du hip-hop français, ne cesse de repousser les limites de sa discipline et d’en redéfinir les codes. Sa créativité débordante l’a amené à créer un style unique, mêlant hip-hop aux arts martiaux, à la musique, au cirque, aux arts plastiques et numériques. Bref un style bien à lui, reconnaissable entre tous.

En 1996, il co-fonde sa propre compagnie « Käfig » (« cage » en arabe et en allemand), un véritable laboratoire créatif qui a conduit à des pièces à succès comme « Boxe Boxe » (2000), « 100% Break » (2004) et « Qu’importe la gravité » (2008). En 2009, il accède à la consécration en devenant directeur du CNN – Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne. Il s’affirme aujourd’hui comme l’un des chorégraphes les plus prolifiques de la scène française, notamment avec son spectacle « PIXEL » (2014) une fusion audacieuse entre hip hop et art numérique, un immense succès cumulant plus de 500 représentations.  

Après avoir propulsé le hip-hop dans les airs avec Vertikal (2018), le chorégraphe s’attaque à l’un des éléments les plus puissants de la nature : le vent. Créée pour le départ du Vendée Globe en 2021, la grande course à la voile en solitaire, « Zéphyr » est un hommage vibrant à « celles et ceux qui risquent leur vie en mer en quête de liberté, contre vents et marées. » Cette création plonge le spectateur dans les profondeurs de l’océan, face à la force brute du vent. 

Contre vents et marrées 

La scénographie minimaliste de Benjamin Lebreton, composée d’un petit ventilateur sur le devant de la scène face à un décor couleur rouille percé de hublots évoque les cales d’un cargo et nous plonge immédiatement en pleine mer. Au début, un couple de danseurs entame un pas de deux gracieux devant le ventilateur, comme bercés par la brise lors d’une balade en mer. Mais peu à peu, l’équipage s’agrandit et le temps devient changeant :  dix danseurs vêtus d’un camaïeu de bleu-gris, chemises ouvertes, prennent possession de l’espace. Ils luttent contre la force du vent, enchaînent les pirouettes acrobatiques et les mouvements énergétiques comme s’ils affrontaient les éléments naturels déchaînés. Mais parfois ils se laissent porter par les souffles du vent. Des ventilateurs géants, remplissant les trous des hublots, soufflent des bourrasques dans la salle, emportant les danseurs dans une valse effrénée mais apportant aussi une sensation de « fraîcheur » pour le public. Les jeux de lumière grandioses de Yoann Tivoli accentuent l’impression d’être en pleine tempête en sculptant les corps en mouvement. 

Avant de voir une sirène

La pièce alterne entre des moments de force et de poésie. La musique d’Armand Amar joue un rôle essentiel dans l’immersion du spectacle : elle rythme les mouvements des danseurs et transporte directement dans l’action de différents tableaux. Les percussions notamment évoquent le claquement des vagues contre la cogue du bateau. Puis ensuite vient la tempête… 

© Laurent Philippe

Un long voile blanc (vu aussi dans Exit Above de Anne Teresa De Keersmaeker pour évoquer la tempête) comme une vague puissante envahit la scène, emportant tout sur son passage. Une danseuse, comme une sirène émergeant des flots couleur rouge, s’élève dans les airs, entourée d’hommes à ses pieds. Une femme puissante et séductrice qui finira par tomber amoureuse d’un marin. Cette séquence à la fois sensuelle et hypnotique est véritablement le clou du spectacle. 

D’autres tableaux évoquent des contrées lointaines comme une virée dans le Sahara par un jeu de fumigènes et confettis. Tous les éléments sont là pour créer chez le spectateur un moment propice à l’évasion. 

Et de dialoguer avec le vent 

La chorégraphie est un dialogue fascinant entre la danse et le vent. Mourad Merzouki a réussi son pari à « sculpter à travers le vent » et « faire de l’air une substance que l’on peut dompter ». Les danseurs, tous excellents, arrivent à affirmer leur propre personnalité dans le collectif, grâce à un savoureux mélange de hip hop, danse contemporaine, classique et breakdance. Leurs mouvements expriment une multitude d’émotions : la peur, l’espoir mais surtout la détermination de ne jamais rien lâcher face à une force extérieure.

À lire également : Si Vivaldi m’était dansé : Les Quatre Saisons de Chauvin-Merzouki

Vous l’avez compris, Zéphyr est un spectacle populaire, accessible à tous, qui plaira aussi bien aux néophytes qu’aux amateurs de danse. Certes, on pourrait lui reprocher quelques facilités pour séduire un public plus large, mais il n’en demeure pas moins une expérience immersive d’une grande beauté poétique qui invite à une réflexion sur la puissance de la nature. 

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