CONCERT – Le Festival Lyrique des Théâtres de pierre, qui se tient en Sicile à l’initiative du Chœur lyrique de Sicile, rend hommage à Ennio Morricone dans une sorte de ciné-concert, format très à la mode. Oui, d’un ciné-concert, tout y est ! À part le film…
Rendre à César… un César !
S’il a fait une grande partie de sa carrière à Hollywood, composant des musiques de films mythiques, notamment avec Sergio Leone, comme (parmi 500 ouvrages…) Pour une poignée de dollars, Il était une fois dans l’Ouest, Le Bon, la Brute et le Truand ou encore Cinema Paradiso, Ennio Morricone a aussi œuvré en France, et a même été nommé trois fois aux Césars (pour I… comme Icare en 1980, Le Professionnel en 1982 et En mai, fais ce qu’il te plaît en 2016) sans jamais obtenir de statuette cependant. Le compositeur italien, mort en 2020 à 91 ans, fait partie des rares compositeurs de musiques de films à avoir su se faire un nom, et donner ses lettres de noblesse à un art longtemps méprisé.
Et ce n’est pas un hasard si le Théâtre antique de Taormina, qui compte 4.500 places, est plein comme un œuf pour cet hommage (ce qui provoque d’ailleurs un retard de 45 minutes, le temps que chacun trouve sa place). Même ses chansons, moins connues de ce côté des Alpes, sont reprises en cœur par tout le public italien, avec un plaisir évident et partagé.
Décor naturel
Pour ce ciné-concert, présenté par le Directeur du Chœur Francesco Costa en Monsieur Loyal, aucun écran n’est nécessaire. Pas un extrait de film n’est diffusé. Ce n’est en fait pas la peine : les spectateurs ont en tête les images iconiques associées aux musiques jouées par l’Orchestre Philharmonique de Calabre. À chaque tube, des centaines de portables sont sortis pour filmer la scène et garder un souvenir rappelant sans doute des souvenirs d’adolescence à plus d’un auditeur. Chacun se fait d’ailleurs son blind-test et un murmure accompagne les premières notes de chaque morceau, que certains ne peuvent s’empêcher de fredonner. Il faut dire que le spectacle se tient dans un décor de péplum : le Théâtre antique de Taormina voit une brèche entailler son mur de fond de scène, laissant (quand il fait encore jour) apparaître l’Etna à l’horizon, avec ses fumées s’échappant de son cratère. En contre-plongée, la baie et sa mer d’un bleu intense viennent compléter un paysage rocheux. Le tout sans recours aux effets spéciaux. La scène est malgré tout habillée de 4.000 bougies (électriques) afin d’apporter une touche de magie supplémentaire.
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Bande originale
Pour l’occasion, l’interprétation est sonorisée (contrairement au Turandot donné la veille, dont le compte-rendu est disponible sur Ôlyrix) : l’oreille du spectateur doit s’habituer aux nouveaux équilibres provoqués, avant de se sentir baignée dans le flot de son s’échappant des enceintes latérales. La harpe notamment bénéficie du dispositif pour faire entendre un son particulièrement résonnant, comme des clochettes. L’Orchestre Philharmonique de Calabre, dirigé par Filipo Arlia par de grands gestes amples et académiques, adapte son instrumentarium au répertoire. Il est ainsi complété d’un piano et d’un orgue positif, d’une batterie et d’une basse électrique, mais aussi d’un glockenspiel dont les notes scintillent sous les étoiles. Les phrasés sont délicats, chaloupés, presque jazzy parfois.
Le Chœur lyrique de Sicile n’est pas en charge de soir de porter un discours : il intervient presqu’uniquement à bouche fermée, comme un instrument de l’orchestre (ce qui limite cependant forcément la projection et justifie la prise de son). L’interprétation n’en est pas moins précise et efficace.
Générique
La soprano Maria Francesca Mazzara est invitée à accompagner l’Orchestre de sa voix très vibrée, ce qui déstabilise sa ligne de chant dans les piani, mais lui donne une force lyrique dans les grands élans de la partition. Comme le chœur, elle chante essentiellement sans paroles, non sans apporter son intensité vocale à ces musiques de films.
Dans un fondu enchainé, le ténor pop Alberto Urso interprète quant à lui des chansons composées par Ennio Morricone, d’une voix vibrionnante et ductile. Il rencontre un vif succès, faisant participer le public ou l’invitant à brandir les lumières des portables pour accompagner les mélodies romantiques.
Réception publique
Après une première salve d’applaudissements, les interprètes offrent deux bis, dont une nouvelle chanson menée par Alberto Urso : le public, debout, semble électrisé. Le ciné-concert se change en concert de rock et le compositeur se dévoile dans tout ce qu’il a de plus populaire. La nuit noire peut alors tomber sur ce décor antique après une journée caniculaire : écran total !