AccueilA la UneLe Violon de Rameau et le jeu des sept familles…

Le Violon de Rameau et le jeu des sept familles…

FESTIVAL – Le Festival Dans les Jardins de William Christie à Thiré en Vendée, suite et fin (pour cet été) avec un programme intitulé « Le Violon de Rameau » donné en l’église Saint Georges de Saint-Juire-Champgillon qui nous a donné envie de re-jouer aux cartes :

Dans la famille du Violon de Rameau, je demande le grand-père : Jean-Philippe Rameau, le compositeur, que tout amateur de musique baroque connaît par cœur : auteur d’opéras célébrissimes et souvent représentés (Les Indes Galantes, Hippolyte et Aricie, Castor et Pollux, Les Boréades), mais également auteur de musique religieuse (Motets et Cantates), et de pièces pour clavecin (pas moins de trois recueils).

Un de ses portraits les plus connus le représente un violon à la main, et c’est ce qui a servi de point de départ à ce concert instrumental : Quelle était la place du violon dans la pratique et dans le cœur de Jean-Philippe Rameau ? En jouait-il souvent lui-même ? Quel rapport entretenait-il avec les grands violonistes de son époque qu’il était amené à fréquenter très souvent, professionnellement mais peut-être aussi amicalement ?

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Dans la famille du Violon de Rameau, je demande les grands-oncles : Toussaint Bordet, Jacques et Louis Aubert, Antoine Dauvergne, André-Joseph Exaudet, Jean-Baptiste Cupis de Camargo, Charles-Antoine Branche.

Vous n’en connaissez aucun ? Rassurez-vous, c’est bien normal. Ce sont des violonistes de l’époque de Rameau, que le compositeur fréquentait (car ils étaient la plupart du temps membres de l’Orchestre de l’Opéra où Rameau créait ses œuvres, mais aussi chambristes confirmés et virtuoses connus dans les cercles musicaux de leur temps). Et à l’époque, il était courant de retranscrire pour certains instruments (ici le violon, accompagné d’un clavecin) des extraits d’œuvres plus amples, écrites à l’origine pour orchestre ou pour être représentées sur scène, mais qu’on pouvait, grâce à ces transcriptions, jouer de manière plus intime, dans les salons à la mode ou encore dans l’intimité familiale. Et ces messieurs ne se contentaient pas de retranscrire les tubes de leur époque, ils composaient des pièces élaborées et complexes pour leur propre instrument, improvisaient devant leurs amis ou un public occasionnel… Les partitions ont survécu, notamment à la Bibliothèque Nationale, et c’est cette production qui a servi de fil rouge à ce programme passionnant, à cette redécouverte de tout un pan du répertoire oublié.

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Dans la famille du Violon de Rameau, je demande le père : William Christie, le non moins célèbre fondateur des Arts Florissants, chef d’orchestre bien entendu mais ici “simplement” claveciniste, qui avait à coeur, après avoir donné avec un succès retentissant les grandes œuvres scéniques et religieuses de Rameau à travers le monde, de restituer ce répertoire chambriste et intime, et de mettre en avant les violonistes-compositeurs nommés plus haut et si injustement oubliés du grand public. Il propose ainsi une grande variété de pièces, d’ambiances et de couleurs, de son instrument (une copie d’un clavecin XVIIIe) avec l’implication et la virtuosité qu’on lui connait. Sans doute aussi pour rajouter une dimension plus intime entre lui et ce compositeur fétiche, dont les grandes œuvres ont jalonné toute sa carrière.

© Julien Gazeau

Dans la famille du Violon de Rameau, je demande le fils : Théotime Langlois de Swarte. Le jeune violoniste virtuose, nommé dans la catégorie Révélations des Victoires de la Musique Classique en 2020, joue non seulement dans les plus grandes salles de l’hexagone, mais aussi à Shangaï, Vienne, Los Angeles, Berlin ou Washington. Lui aussi tenait à faire découvrir, dans le cadre confidentiel de cette simplissime église de campagne, à la lueur des bougies, les sonorités de ces pièces pour clavecin et violon, offrant une série de paysages contrastés allant de la Marche militaire à la Chaconne en passant par des numéros beaucoup plus sensuels et même alanguis, mettant toujours son extraordinaire virtuosité et son sens de l’écoute (le duo avec Christie dégage une complicité musicale presque tangible et une écoute mutuelle profonde) au service d’une succession de peintures prises sur le vif et rehaussées par des couleurs chatoyantes et variées.

Dans la famille du Violon de Rameau, je demande le cousin, l’accordeur de clavecin. Normalement, il reste dans l’ombre, après des heures d’un travail minutieux et d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Mais un incident sympathique l’aura projeté dans la lumière des bougies en ce soir du 29 août. Il faut savoir que les instruments anciens sont d’une extrême fragilité, et que la moindre variation d’hygrométrie, le moindre courant d’air dans une nef, peuvent mettre à mal le travail de plusieurs heures. Après l’accord du clavecin, qui semblait stable et assuré, notre homme est parti se restaurer, mais dès les premières secondes du concert, William Christie semble surpris au toucher d’une note (un Fa dièse pour ne pas la nommer), et se voit obligé d’interrompre après la première pièce. Les membres de l’équipe des Arts Florissants, tels des limiers de chasse, partent ventre à terre battre la campagne pour retrouver l’accordeur et sa précieuse clé, et Théotime Langlois de Swarte profite de cette pause imprévue, de manière tout à fait décontractée et sympathique, pour nous parler de la naissance et de l’élaboration de ce programme original, de ces violonistes-compositeurs virtuoses oubliés, de la mode de la transcription et de la pratique de la musique de chambre dans les salons du XVIIIe siècle, du portrait de Rameau et de son violon, qui est à la base de tout, créant ainsi une proximité et une complicité avec un public ravi…

L’accordeur retrouvé, l’accord fut bien vite rétabli et les deux instrumentistes, visiblement ravis de nous entrainer dans leur sillage, nous embarquèrent pour un voyage musical étourdissant où leur attention mutuelle et leur connivence perceptible emportèrent tout le public de cette petite église de campagne pour un voyage dans les étoiles. Un voyage salué, après pas moins de quatre bis, par de longues minutes d’applaudissements nourris et mérités ! « Bonne pioche » comme on dit…

© Julien Gazeau
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