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Les Arts Flo dans Beethoven et Mozart : chemins de traverse

CONCERT – À la Philharmonie de Paris, les Arts Florissants placés sous la direction de Paul Agnew font une excursion inattendue dans le répertoire de Mozart et de Beethoven. Une promenade réussie dans des territoires pour eux inexplorés, et qui montrent aussi les qualités individuelles des musiciens de l’orchestre.

Les Arts Florissants dans Mozart et Beethoven ? Vous avez bien entendu, et le cas est suffisamment rare pour que leur chef Paul Agnew prenne la parole au début du concert pour s’expliquer de cette excursion hors de leur répertoire de prédilection. Mais pour une Symphonie Pastorale, n’est-ce pas idéal de sortir des sentiers battus ?

Mozart : promenade de santé

Avant d’aller explorer plus avant les chemins de traverse de Beethoven, les Arts Florissants font un premier saut temporel du baroque à l’ère classique, avec l’ouverture des Noces de Figaro et le Concerto pour violon n°3 de Mozart. 

Voilà qui s’apparente pour le public à une promenade de santé, dans une voie toute tracée et familière au milieu de mélodies bien connues. L’ouverture bénéficie d’attaques incisives aux cordes ainsi que de cuivres et de timbales particulièrement présents, qui rendent l’urgence dramatique de la Folle journée. Mais les premières mesures du concerto, avec pour soliste Théotime Langlois de Swarte, nous replongent dans le style galant du compositeur – bien qu’il soit interprété sans aucune affectation.

Théotime Langlois de Swarte, tout d’abord, joue – comme ce concerto l’appelle mais comme tous les solistes n’y parviennent pas à ce degré – en réelle communication avec l’orchestre, et à peine mis en avant. Le fait qu’il joue avec une partition, bien qu’inhabituel, participe à l’intégrer au groupe ; et c’est seulement dans les cadences, longues, denses, de l’ordre du monologue intérieur, qu’il incarne pleinement son rôle de soliste. Au-delà de qualités techniques évidentes, on apprécie un jeu très lié, avec une belle homogénéité dans le legato, et un discours aéré qui respire avec l’orchestre.

Théotime Langlois de Swarte : premier de cordée

Aux côtés de pupitres de cordes qui jouent d’une seule voix, les Arts Florissants bénéficient de deux hautbois remarquables de lyrisme dans le premier mouvement, et qui lui donnent son relief. L’Adagio maintient quant à lui quatre plans sonores parfaitement distincts : la pulsation des pizz aux cordes graves, le pianissimo des violons, les flûtes et les cuivres par touches, et enfin la voix soliste qui se déploie – mais tout en retenue. On regrette un problème d’intonation entre le violon solo et l’orchestre, mais le Rondeau final rétablit un dialogue dense et animé, où le style galant évoqué plus tôt se complexifie et se charge au fil du mouvement : parfois sentier en pente douce, parfois route sinueuse voire escarpée, à l’image de la cadence délivrée par le soliste.

© Matthieu Joffres

Enfin, trois bis viennent clore ce début de concert devant une salle enthousiaste et qui ovationne Théotime Langlois de Swarte, notamment à la suite d’un très élégant « Deh vieni alla finestra » arrangé pour violon, et accompagné des pizz de l’orchestre.

Beethoven prend l’ère

On l’a dit, jouer Beethoven n’est pas du tout une évidence pour un ensemble comme les Arts Florissants. Et pourtant, on suit avec un grand bonheur les différents paysages traversés. La force de cette orchestre réside, pour La Symphonie Pastorale, dans de magnifiques pupitres de vents. On citera évidemment le hautbois solo, déjà présent dans le concerto, ainsi que les bassons, la clarinette et la flûte qui font véritablement le sel de l’œuvre.

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On entend certes les ondoiements du ruisseau aux cordes, les chants d’oiseaux aux vents, la conversation animée des paysans… Mais on entend surtout une tendresse, une humanité dans ces paysages. C’est bien un voyage intérieur autant qu’extérieur – conforme en cela aux souhaits du compositeur – que Paul Agnew déploie, délaissant l’anecdotique ou l’imitation factice. C’est un cours d’eau mélancolique que font couler les violons, c’est un chant de coucou chaleureux que fait entendre la clarinette, c’est un orage intime qui éclate parmi l’orchestre, jusqu’à la joie pure du dernier mouvement. Le tout est profondément cohérent, chantant : certes avec les moyens musicaux et les couleurs propres aux Arts Florissants, et non ceux des orchestres modernes dont on a davantage l’habitude ; mais ils ne se perdent pas hors des sentiers battus, là où l’humanité de Beethoven leur sert de boussole.

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