COMPTE-RENDU – Le TAO Dance Theater, compagnie chinoise de danse contemporaine, signe avec « 13 » et « 14 » un diptyque où la gestuelle millimétrée côtoie une esthétique à la fois envoûtante et relaxante portées par la virtuosité rythmée de ses interprètes. Au Théâtre de la Ville et pour la première française, préparez-vous à être hypnotisés mais aussi à méditer :
Un mantra visuel hypnotique
Fondé en 2008 par Tao Ye et son épouse Duan Ni, le TAO Dance Theater impose sa signature singulière avec des pièces à l’intensité physique hors norme où la répétition du geste devient un mantra visuel hypnotique générant une énergie communicative entre les danseurs. Les ballets 13 et 14 (extraits d’une vaste série numérique où le titre désigne le nombre d’interprètes) en sont de brillantes illustrations.
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Pour arriver à ce degré de perfection, les chorégraphes affirment que tout jeune danseur intégrant leur troupe doit apprendre plusieurs techniques de danse, du classique au contemporain en passant par les danses traditionnelles. Le résultat est bluffant : les danseurs affichent une souplesse et une endurance hors du commun, leur permettant d’encaisser des chocs tout en enchaînant des gestes d’une précision millimétrée. Tao Ye a construit une esthétique unique, qualifiée de « danse circulaire » reconnaissable entre toutes. Ses chorégraphies évoquent les tourbillons optiques du peintre Vasarely, hypnotiques et méditatifs. Au cœur de cette chorégraphie : une quête de l’infini par la répétition obsessionnelle du geste et de la musique et par une idée cyclique de l’existence.
« 13 » – Cinquante nuances de gris pour une danse organique collective mais rebelle
Dans cette pièce, Tao Ye explore la frontière entre individualité et conformité. Sur scène, 13 danseurs vêtus de vêtements amples, manteaux et pantalons de couleur gris – du blanc cassé au bleu gris, en passant par toute une palette de nuances intermédiaires – se fondent d’abord dans un ensemble organique totalement soudé aux contours mouvants. Leurs tenues évoquent l’uniforme anonyme d’un quelconque camp de travail tout en se différenciant subtilement par leurs nuances de couleurs. Un paradoxe visuel saisissant. Puis subtilement, des électrons libres s’en détachent, seul ou en duo complice. Ces tentatives d’émancipation en étreignant un de ses partenaire ou en se jetant dans ses bras sont réprimées brutalement par le groupe. La chorégraphie oscille alors entre fluidité collective et rejet violent. L’individu ose s’affirmer en exprimant ses émotions mais il est tout de suite sanctionné par le collectif…
« 14 » – Quand la danse invite à la méditation
Après la tension palpable de 13, exit les nuances de gris, place à des couleurs arc-en-ciel. Sur scène, les quatorze interprètes forment un kaléidoscope géant qui captive le regard. Tao Ye renoue ici avec sa signature artistique : une danse à l’unisson où le corps collectif se déplace avec fluidité. Chaque geste d’une précision chirurgicale se propage d’un danseur à l’autre comme une onde énergétique. Pourtant, sous cette harmonie apparente se cache une gestuelle fragmentée, qui, associée à une bande-son minimaliste, nous plonge dans un état quasi méditatif, complètement hypnotisés par ces corps qui ondulent, se plient et se déplient avec une grande souplesse. Cette chorégraphie profondément spirituelle, interroge elle-aussi sur notre place au sein du collectif et notre quête d’équilibre dans un monde en perpétuel mouvement.
On en ressort à la fois apaisé mais aussi bousculé dans nos certitudes.