COMPTE-RENDU – Dans un concert d’une grande originalité où se rencontrent plusieurs clavecins, Bertrand Cuiller et Le Caravansérail abordent pour leurs 10 ans des œuvres de Bach et Vivaldi (une Production Jeanine Roze).
Bach à deux, trois, quatre clavecins…
Ce soir, la scène du Théâtre des Champs-Élysées rassemble, à elle seule, autour de sept-cents cordes – sans compter celles du quatuor de violons. Disposés en quinconce, quatre clavecins de différentes factures se font face, tous inspirés de modèles du XVIIIe siècle ; deux allemands dont un de Dresde, un italien et un flamand. Le but : révéler la musique via les subtils effets de contraste dus à la particularité de chaque instrument, explique Bertrand Cuiller dans son adresse au public. Promesse tenue puisqu’on relève, en particulier dans la seconde partie du concert, les reliefs qui se creusent entre les scintillements de cordes – pensons au superbe Concerto pour 3 clavecins en ré mineur de Bach, à la fois dense et ardent. On appréciera également la nuance due à ces variations des sonorités, participant à la brillance des couleurs de l’orchestre.
Non content de proposer ces œuvres pour multiples clavecins, Bertrand Cuiller propose également un nouvel arrangement du troisième Concerto brandebourgeois pour quatre clavecins. Arrangement réussi : on retrouve la joie propre à la musique de Bach. À travers un travail d’écho, les instruments se répondent avec aisance et dynamisme. Mention spéciale à Violaine Cochard, marquant notamment par la délicatesse de son jeu.
Dialogue de cordes à cordes
Aux clavecins répondent les cordes frottées, du violon à la contrebasse, participant à l’effet texturé, presque matériel, des concertos interprétés. Avec efficacité, le second quatuor soutient le premier dans toute sa vigueur, sa présence et son entrain, entrain d’ailleurs partagé par tous les musiciens qui montrent leur engouement à jouer ici ce soir. Cela dit, reste une aridité dans les à-coups des archets, qui pose un décalage avec l’émulsion des clavecins. De manière générale, le jeu est parfois trop brusque, trop ferme, trop appuyé, pour un Bach trop arrêté, en particulier dans la première partie du concert, participant à une impression d’artificialité. C’est après l’entracte que l’aisance, que le naturel gagne les interprètes.
Jeu et Service à la Cuiller
Le concert s’achève sur une transition de Bach à Vivaldi. Reprenant le Concerto pour 4 violons et violoncelle en si mineur de Vivaldi extrait de l’Estro Armonico, Bach l’arrange et l’adapte pour quatre clavecins. Il s’agira d’ailleurs de l’unique concerto pour quatre clavecins dans l’œuvre de Bach. Tous ensemble, avec feu et enthousiasme, les artistes commencent à reprendre cette dernière œuvre lorsque soudain… malheur ! Bertrand Cuiller s’interrompt brusquement pour bondir jusqu’au clavecin du jeune croate Davor Krkljus où une corde n’est pas exactement accordée comme il faut. Le problème réglé (bien que le perfectionnisme bienvenu de Cuiller n’en semble pas tant satisfait), retour à Vivaldi.
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« Nous avons joué à peu près tout ce qui existe à plusieurs clavecins », déclare le chef pour le bis, où les spectateurs retrouvent notamment avec plaisir le premier mouvement du concerto du prêtre roux, remerciant finalement les artistes de fervents applaudissements.

