DANSE – Avec Sylvia, un de ses ballets emblématiques, Manuel Legris signe un retour étincelant dans sa maison mère. Sur scène, Amandine Albisson incarne une vraie héroïne au sacré caractère. Face à elle, une constellation d’étoiles fait briller cette production : Germain Louvet en Aminta, Marc Moreau en Orion, Guillaume Diop en Éros et Roxane Stojanov en une Diane impérieuse. Une distribution royale pour une œuvre qui, après vingt ans d’absence, reprend magistralement sa place sur la scène qui l’a vu naître.

L’ex-étoile star, Manuel Legris, nommé à seulement 22 ans par Rudolf Noureev, devenu entre-temps un chorégraphe renommé après avoir dirigé les ballets de Vienne et de la Scala, renoue avec ses racines. À 60 ans, celui qui a passé trente-quatre ans de sa vie à l’Opéra de Paris avant ses adieux en 2009 ne cache pas son émotion : « Revenir à l’Opéra de Paris est pour moi une joie énorme parce que je viens de là et que c’est ma vie » (France Info, 8 mai 2025).
Pour cette entrée au répertoire, Legris fait le pari audacieux de revisiter le tout premier ballet créé au Palais Garnier en 1876 sur une chorégraphie de Louis Mérante, qui connut un échec cuisant à sa création malgré la partition sublime de Léo Delibes, que même Tchaïkovski admirait. Si Sylvia inspira ensuite de nombreux chorégraphes de George Balanchine à Frederick Ashton, en passant par John Neumeier, qui en avait livré en 1997 une version épurée de ses mièvreries, ce ballet n’avait plus été donné à l’Opéra de Paris depuis 2005. Cette version de Manuel Legris, créée initialement pour le Ballet de Vienne en 2018 est donc une véritable découverte pour le public parisien.
Chasse à cœur
Dans ce ballet inspiré de la mythologie grecque, Diane, déesse de la chasse, impose à ses nymphes un vœu de chasteté absolu. Sylvia, sa favorite, succombe pourtant au charme du berger Aminta. Oui le dieu de l’amour Éros sait viser juste. Après maintes péripéties, dont un enlèvement par le méchant chasseur alcoolique Orion et l’intervention malicieuse d’Eros, l’amour triomphera avec la bénédiction finale de Diane elle-même, qui a aussi un petit secret : elle aime de loin le beau berger Endymion qu’elle a endormi pour pouvoir le contempler sans jamais le toucher.

Dans le décor féérique et champêtre – quoiqu’un brin kitsch – imaginé par Luisa Spinatelli, cette intrigue, qui aurait pu paraitre désuète et mièvre, prend sous la direction de Manuel Legris comme chez Neumeier avant lui, une dimension résolument féministe. Sylvia y apparaît comme une femme de caractère et courageuse, capable de s’opposer à sa patronne Diane par amour et d’affronter le terrible Orion toute seule sans attendre que le beau berger Aminta vienne la secourir. De quoi faire mentir ceux qui ne voient dans les ballets classiques que des histoires où les femmes n’attendraient que d’être sauvées.
Danseurs d’élite
De retour après une longue absence, Amandine Albisson campe une Sylvia tout en douceur, privilégiant l’expressivité et le jeu à la pure démonstration technique. Face à elle, le délicieux Germain Louvet incarne le berger Aminta, impeccable dans ce rôle de jeune premier qu’il habite avec aisance. Après la fête de Bacchus, les deux amants réunis exécutent une série époustouflante de fouettées, de grands jetés et de pirouettes qui consacre leur union.

La distribution brille également par l’excellence technique de Marc Moreau, charismatique et viril Orion aux nombreuses pirouettes virtuoses, qui assombrit l’intrigue de sa présence magnétique. Comment ne pas évoquer non plus, Guillaume Diop en dieu Éros puissant et malicieux, avec ses grands jetés dont le corps quasi nu, recouvert de poudre d’or, tire les ficelles de tous ses amours contrariés ? Et puis bien sûr, l’impétueuse Roxane Stojanov, parfaite en Diane chasseresse contemplant l’irrésistible Florent Mélac en Endymion endormi, qu’on ne se lasse pas de contempler. On comprend Diane…
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Les ensembles du corps de ballet ne sont pas en reste, comme les danses bacchanales ou encore l’entrée impétueuse des nymphes chasseresses – Hohyun Kang et Bianca Scudamore excellentes – accompagnés par la musique de Delibes, épique et romantique.

