DANSE – Dans sa nouvelle création, 360, présentée au Palais de Chaillot, Théâtre National de la danse, le chorégraphe Mehdi Kerkouche nous propose une expérience immersive qui, malgré l’enthousiasme d’une partie du public, ne réussit pas complètement son pari. Pourtant, on ne peut que saluer la performance physique impressionnante des huit danseurs débordant d’énergie.
Dans les sous-sols de Chaillot, salle Firmin Gémier, huit danseurs en tenues sportswear sombres émergent un par un du public pour escalader une imposante structure métallique circulaire à deux étages dans un nuage de fumée. Disposés à équidistance sur le premier étage, ils démarrent par une posture statique pendant près de cinq minutes avant d’effectuer des rebonds synchronisés. L’ambiance s’installe peu à peu jusqu’à ce que la musique électro de Lucie Antunes s’accélère, entraînant les danseurs dans une performance frénétique à la limite de l’épuisement où courses effrénées, escalades et combats s’enchaînent sans répit. Il va y avoir du sport…
Autour du pot
Bien que le dispositif scénique à 360 degrés place le public debout tout autour de la scène avec l’ambition affichée que l’on puisse danser avec les danseurs et vivre une expérience collective, cette promesse de fusion entre spectateurs et danseurs ne se concrétise jamais véritablement. L’idée de se connecter aux danseurs pour comprendre « ce qui nous rend vivant » ne prend pas vraiment, donnant l’impression d’assister à une fête à laquelle on n’est pas vraiment convié. Sûrement la faute aussi à cette plateforme surélevée, qui instaure paradoxalement une distance infranchissable, confinant le public dans une contemplation passive.
Ça tourne pas rond
La virtuosité technique des danseurs suscite l’admiration, notamment lors du solo spectaculaire de Matteo Lochu aux mouvements fulgurants, ou la séquence où la structure métallique se transforme en gigantesque instrument de percussion. Cependant, contrairement aux œuvres précédentes de Kerkouche, la légèreté et la joie de vivre sont ici absentes. L’atmosphère générale, délibérément sombre et parfois franchement violente évoque davantage La Haine que la célébration de la vie, notamment lors des séquences de bagarres où les corps claquent brutalement au sol, ou quand une joggeuse subit un harcèlement collectif avant d’être symboliquement sacrifiée.
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Tour de force
Si Kerkouche réussit magistralement à tirer le meilleur de ses interprètes sur le plan physique, cette agressivité contemporaine, malgré l’indéniable talent des danseurs, échoue paradoxalement à créer du lien émotionnel avec les spectateurs. Comment se connecter à des danseurs qui projettent tant d’hostilité ? Le spectateur reste fasciné devant ces affrontements, sans jamais ressentir l’envie de participer au mouvement. On ressort physiquement éprouvé, avec mal aux jambes, les oreilles qui sifflent (merci les boules Quiès), admiratifs de la prouesse technique mais déçus par cette rencontre manquée, malgré les applaudissements chaleureux d’un public manifestement plus conquis.

