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Notte Morricone à Aix : Musique ! On tourne…

DANSE – Ce ballet-biopic, hommage de Marcos Morau à Ennio Morricone, créé en août 2024 avec la compagnie italienne Aterballetto, explore les mécanismes complexes de la création, par une scénographie et une danse mettant en tension intimité mentale et vision matérielle.

Le centre chorégraphique national, le Pavillon Noir d’Aix-en-Provence, qui fêtera en octobre prochain les 40 ans de création d’Angelin Preljocaj, accueille en cette fin de saison ce ballet de Marcos Morau, chorégraphe aux inspirations internationales, capable de parler toutes les langues du corps. Pour sa première collaboration avec la troupe italienne Aterballetto, il propose un parcours dans l’univers d’Ennio Morricone, compositeur de musique « appliquée » (l’expression est de lui) à la cinématographie transatlantique et panoramique. Comme Morau l’écrit dans sa note d’intention, « (…) Morricone transcende et entrelace la vie elle-même (…) ».

Le support est propice à l’expérimentation des mélanges artistiques dont la danse est le centre de gravité. Photographies, fixes ou animées, théâtres, marionnettes, musiques, enregistrées ou naturelles, sons bruités ou grésillant, paroles dites ou chantées, arts de la clarté ou de l’obscurité : tous infiltrent et trament de fils brillants l’ensemble du spectacle. Résultent de tout cela deux formes d’immersion, l’une dans le tourbillon de la vie publique du compositeur, couronnée d’Oscars, l’autre dans les profondeurs de sa psyché, mise au travail de la mémoire et de la création.

Pour quelques Oscars de plus

La scénographie (décors et éclairages de Marc Salicrú) enveloppe la danse dans un univers qui restitue les environnements de travail de Morricone : bureau, console, studio d’enregistrement, salles de cinéma, salon de musique et table de jeu, le tout en blanc et noir. D’autres objets scéniques, sélectionnés avec une précision d’ethnographe, sont animés et activés par les danseurs : pupitres, instruments, marionnettes, machine à café, bouquets de roses rouges (évidemment).

© Christophe Bernard

Leur accumulation systématique, au cours de la danse, exprime le pouvoir mécanique et industriel du cinéma. Pourtant, des tableaux singuliers se forment et se déforment au gré de la bande-son. Les costumes de Silvia Delagneau – mêmes pantalons gris, chemises blanches, bretelles et lunettes pour les seize danseurs d’Aterballetto – viennent cloner un Morricone récapitulant les pliures essentielles de sa vie, quand ils n’habillent pas un personnage égaré d’un western de Sergio Leone. En blanc et noir également, ce grand tableau recouvert de craie, pour ancrer l’œuvre dans son territoire urbain et éphémère : Aix-en-Provence. Tout donne à voir cette musique du visible. La bande-son est comme sur-sonorisée par des accumulations de musiques, bruitages, voix-off surtitrées, paroles et chants directement proférés par les danseurs. Le tout forme une empreinte concrètes du monde sonore de Morricone, planète « Universal » qui tourne sur elle-même.

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Les moissons du soi

Avec les éclairages mobiles de Marc Salicrú (y compris sur le public), la danse-musique semble toucher au silence intime de la nuit, de l’introspection et de l’imagination. La bande-son, loin d’accompagner la danse, reflète le chaos de la pensée créatrice du compositeur. Les objets scéniques se condensent, comme dans le rêve : jeu d’échec, trompette, piano-tombe, etc. La danse, aussi, se donne par la parole (textes de Carmina S. Belda), en voix-off mimée par un danseur tenant un micro. Parole vive, elle questionne : « Quel est le son de la poussière ? Quel est le son de la conscience ? » ou encore « Pourquoi les choses les plus abominables ont-elles leur musique ? »

© Christophe Bernard

La chorégraphie accumule micro-étirements, articulations rapides et synchrones de chaque corps, à rebours des contingences du squelette humain. Les danseurs, comme un seul homme, semblent aimantés par un centre de gravité renouvelé de séquence en séquence, du jeu d’échec au ventre du piano en passant par les différentes figures de Morricone. L’expression corporelle relève d’un design à la fois graphique et sonore, qui se donne dans une effervescence mécanique et électrique et dans la pureté combinatoire du jeu d’échec. Les danseurs s’agglutinent, se meuvent comme des neurones-miroir, se cherchent, se retiennent ou virevoltent, ploient sous leur propre poids, avec fluidité et fixité, emphase et retenue. 

© Christophe Bernard
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Le rideau noir se ferme comme deux grandes paupières, tandis que le public applaudit longuement un spectacle qui laisse une forte empreinte sensorielle, sensible et significative de l’œuvre d’Ennio Morricone : « Transformer en musique le monde. », quand « La musique est la partie de la vie qui nous manque. » 

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