DANSE – Le grand jeté, ce saut virtuose, l’un des plus techniques de la danse classique, qui clôt les ballets en apothéose. Silvia Gribaudi le détourne de son piédestal pour en faire l’objet d’une déconstruction complètement… jetée. Accompagnée par dix danseurs de la MM Contemporary Dance Company, la chorégraphe italienne transforme le jardin des Tuileries en terrain de jeu nocturne, pour trois soirées estivales programmées dans le cadre du Festival Paris l’été.
22h – Rendez-vous sous les étoiles au jardin des Tuileries. Cadre romantique, certes, mais Silvia Gribaudi, 50 ans, est là pour donner un cours de danse classique et amuser la galerie. Dès les premières minutes, la boss italienne impose sa loi : elle quémande des applaudissements du public, puis nous invite à compter « 5, 6, 7, 8 ». C’est quoi ces chiffres ? Ah oui les huit positions de la danse classique ! On comprend assez rapidement, que l’on assiste à un spectacle participatif où on a un rôle à jouer : agiter ses bras et danser. Le public du Théâtre de la Ville, délocalisé pour l’occasion aux Tuileries, se prête poliment au jeu, et comprend vite que ce « Grand Jeté » ne sera pas de tout repos. Silvia sait mettre l’ambiance !
Podium aux Tuileries – Fashion, passion, perfection
Après un cours de danse introductif joyeusement bordélique, les dix danseurs de la MM Contemporary Dance Company de Michele Merola se déhanchent sensuellement en scandant « fashion », « passion », « perfection », comme dans un défilé de mode version voguing. Diablement sexy en tenues de soirée noires (bas résille, bottes de cow-boy, minishorts, chemises en satin) sourires de papier glacé, ils feront même tomber le haut en une fraction de seconde. Mince on a loupé ça !
Saute-mouton version grand art
Après on ne va pas se mentir, c’est parfois foutraque, voire complètement déjanté ! On ne saisit pas toujours le propos de la chorégraphe, mais les scènes cocasses s’enchaînent : Silvia Gribaudi aux commandes d’une machine à fumée récalcitrante qui l’enfume elle-même avant d’enfumer les danseurs et le public, ou ses petites frayeurs quand tous les danseurs exécutent leurs grands jetés au-dessus de sa tête. Ouf, elle n’a pas pris un pied dans la figure. C’est un ballet de saute-mouton version burlesque, sans grâce mais est-ce le but ? Nostalgie de la cour de récré ?

Tchaïko vs Techno
Côté musique, prévoyez les boules Quies, surtout si vous êtes devant. Les mélodies célèbres de Tchaïkovski sont sans cesse interrompues par des bouts de techno sauvage. Comme si le corps n’avait qu’une envie : se libérer des carcans de la danse classique. Car oui, on sait bien que le classique bride les corps, et Gribaudi s’évertue à casser ces codes avec une énergie difficile à canaliser. Et les oreilles du public, prises en otage dans ce chassé-croisé musical, encaissent tant bien que mal.
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« Grand jeté » est un spectacle complètement… jeté ! Avec quelques scènes intéressantes, et des danseurs beaux comme des dieux qui s’éclatent visiblement sur scène. On ne sait pas trop ce qu’il en restera, mais l’idée est là. Et puis ce lieu… le jardin des Tuileries à la tombée de la nuit : on pouvait difficilement mieux choisir. Avec ce type de grand jeté, on se décomplexe même d’essayer chez soi ! Un conseil quand même : rangez la table basse dans un coin…


au Centre
Toujours au Centre
dans la Domination
toujours,
dans la Provocation
toujours…
Maitresse d’école
maîtresse des corps
maitrese des langues
maitresse d’un public
étonnés
dominés
fascinés
par une Mélusine
féroce
se tordant,
s’exhibant
finissant par les convaincre,
de lever les bras,
de se pencher,
de répéter
eux, subjugués
hypnotisés..
Nous,
consternés
agacés
enfumés
ne sachant comment
échapper…
durée : 1 heure
Vous l’aurez compris :
1 heure de trop !
terreur imposée
à 10 danseurs
de toute beauté !