SPECTACLE – Escrimeuse, bagarreuse, radieuse, brillante, libre, puissante : Julie de Maupin ressuscite dans la voix et le corps de Camille Merckx. Un spectacle découvert à l’Opéra de Rennes, dans une mise en scène signée Jean-Michel Fournereau. En garde !
Un vendredi, veille de vacances de la Toussaint, ils sont une petite centaine à monter les marches qui mènent au théâtre pour cette séance scolaire. Mais au moment de rentrer sagement au parterre, comme d’habitude, surprise ! On est dirigés, non pas vers les sièges en velours de la salle, mais directement sur la scène ! Par une porte dérobée, on vient prendre place sur les estrades et les coussins posés à même le plateau. Au milieu de cette arène qui, déjà, fait le show : une piste. Dans le silence, quatre silhouettes casquées entrent.

En garde !
On comprend tout de suite que ce spectacle ne sera pas comme les autres. Et pour cause : il raconte le destin hors du commun d’une artiste qui a défié en son temps toutes les conventions : Julie de Maupin. LA Maupin comme on l’appelait à Paris au XVIIème siècle. Fine lame, grande voix, bisexuelle, reine du drame, première voix grave « féminine » à tenir un rôle principal : une vie pour envoyer balader les stéréotypes de genre avec lesquels on se débat toujours, trois siècles plus tard !

Alors, pour raconter ce destin majuscule, on aurait pu assister à une conférence, à une présentation formelle ou à un récital bon chic bon genre. Mais d’une part, la personnalité de Julie de Maupin mérite mieux. Et d’autre part, le « bon chic bon genre », c’est pas le style de Camille Merckx et de sa bande, mise en scène par Jean-Michel Fournereau.
Au fil de l’épée
Julie M, en garde et en scène est une répétition. Jolie pirouette dramaturgique qui rend le public complice en un clin d’œil, et qui permet d’excuser quelques longueurs ou pertes de rythme. C’est là le brillant : les flottements sont assumés et même mieux : ils deviennent des moments de doute où, brisant la carapace de la comédienne, la personne se confie. Camille Merckx se reconnaît dans le destin semé d’embûches de Julie de Maupin. L’angoisse des auditions, la fatigue des tournées, les gestes déplacés… On parie que, par moments, Camille aurait aimé avoir elle aussi une épée à la ceinture.
Fine lame
Petit à petit, la situation de départ est escamotée, et la frontière entre Julie et Camille se grise. Nous voilà embarqués, témoins d’un lien qui se crée, à cheval sur les siècles, entre deux femmes qui mènent leur barque avec force et liberté.
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Au fil de la narration, la « répétition » est l’occasion de découvrir les coulisses de la musique baroque, et son vocabulaire gentiment désuet : « coulée de tierce », « bas-dessus », « tour de gorge » et autres « tremblements » nous en apprennent plus sur l’art délicat du baroque français, dont sont tirés tous les airs du spectacle. Julie de Maupin était une diva parisienne après tout. Camille Merckx, elle, on l’espère, conquerra la France entière avec son one-woman show baroque…!

