INTERVIEW – Geoffroy Jourdain, fondateur de l’ensemble Les Cris de Paris, dirige cette année la 23e EEEMERGING+ Academy. Portée en partie par le Centre culturel de rencontre d’Ambronay, cette résidence destinée aux jeunes ensembles de musique ancienne a pour thématique la naissance de l’oratorio et se déroule du 4 au 24 juillet.
Depuis sa création en 1993, l’académie du Centre culturel de rencontre (CCR) d’Ambronay représente une étape importante dans l’évolution des jeunes artistes européens en début de carrière. Elle est dorénavant intégrée au dispositif européen EEEMERGING+ qui accompagne plusieurs jeunes ensembles chaque année.
Cette académie mobilise des jeunes talents sélectionnés dans toute l’Europe. En 22 éditions, plus d’un millier d’artistes et instrumentistes y ont participé. Dirigés par des grands noms : Leonardo García Alarcón, Sébastien Daucé, Ariana Savall, Karine Deshayes, Patricia Petibon, Raphaël Pichon… C’est le tour de Geoffroy Jourdain.
Le fondateur de l’ensemble Les Cris de Paris a sélectionné 10 instrumentistes et 10 chanteurs pour cette 23e EEEMERGING+ Academy. Après quinze jours de travail, ils donneront trois concerts au Festival de Saintes (le 20 juillet), à Ambronay (le 22 juillet) et à Pavie en Italie (le 24 juillet).
Comment êtes-vous entré dans l’aventure EEEMERGING+ Academy ?
Geoffroy Jourdain Le Centre culturel de rencontre d’Ambronay est l’un des piliers de EEEMERGING+ Academy. J’ai été sollicité en 2019 pour recruter les jeunes chanteurs et animer l’académie. La 23e édition prévue en 2020 a dû être reportée en raison de la pandémie. Je vois donc enfin l’aboutissement d’une collaboration qui a commencé en 2019. En novembre de cette année-là, nous avons commencé à entendre des jeunes venus par exemple de la Schola Cantorum de Bâle, du Centre de musique baroque de Versailles, mais aussi d’institutions, de conservatoires et de classes dédiées à la musique ancienne avec un niveau professionnel. Ils sont nombreux à venir d’Espagne, d’Italie et d’Autriche. J’ai été impressionné par le niveau général.
Que recherchiez-vous chez ces musiciens ?
Nous avons recruté dix instrumentistes et dix chanteurs. L’intérêt était de créer le groupe le plus hétérogène possible. Nous ne voulions ni doublons, ni clones. Ce n’est pas compliqué car ces jeunes musiciens sont internationaux et tous bilingues ! Je peux témoigner de leur curiosité : ils ne restent pas bloqués dans la niche d’un répertoire en particulier. Certains chanteurs pratiquent et explorent d’autres univers, comme un jeune harpiste qui s’intéresse beaucoup à la musique médiévale, ou encore un claveciniste attiré par le jazz. On est assez loin de la musique ancienne des années 1980.
Dans la musique aujourd’hui, le côté très hiérarchisé me fait horreur
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Pourquoi avoir choisi un programme autour de la naissance de l’oratorio ?
En effet, ces instrumentistes et chanteurs travaillent depuis le 4 juillet (jusqu’au 24) un programme autour de la naissance de l’oratorio réunissant des œuvres de Carissimi, Charpentier et Rossi. L’oratorio est un passage clef dans l’histoire de la musique et permet à chaque chanteur d’être à tour de rôle soliste et tuttiste (en groupe).
On passe de la polyphonie de la musique ancienne de la fin du XVIe siècle à l’émergence du « je » du soliste dans l’opéra, qui naît au XVIIe. Ce glissement du collectif à l’individu est musicalement passionnant. Les musiciens que nous avons recrutés font déjà de la musique de chambre et une grande majorité d’entre eux m’ont témoigné de leur envie de jouer en ensemble. Je souhaite partir de leurs compétences de chambristes pour montrer qu’on ne perd pas son identité en jouant en collectif. Comme avec Les Cris de Paris, je cherche à leur transmettre ce va-et-vient entre collectif et individu.
Pourrait-on transférer ces considérations musicales à notre société actuelle ?
Sans doute mais… autour d’une bière ! Sans prendre le temps de réfléchir, je dirais qu’il faut écouter l’autre et prendre en compte les rôles de chacun. Nous n’avons pas les mêmes assignations sociales qu’à l’époque. Dans la musique aujourd’hui, le côté très hiérarchisé me fait horreur : la prima donna, le grand soliste ou encore l’enseignement de la musique qui impose une évaluation dès l’âge de 5 ans…. J’ai le même sentiment pour notre société.
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Le programme
Marc-Antoine Charpentier (1634-1704), Le Reniement de Saint-Pierre H424
Luigi Rossi (1597-1653), Oratorio pour la semaine sainte (Oratorio per la settimana santa)
Giacomo Carissimi (1605-1674), Jephté (Historia di Jephte)
[…] le bassoniste Claudius Kamp et le flûtiste Michael Form. En 2018, l’ensemble a bénéficié du projet européen EEEMERGING+, qui soutient les nouveaux talents de la musique ancienne et repère la crème de la crème des […]