FESTIVAL – La pianiste Béatrice Rana a offert au festival de Menton (06) un récital bellissime, mais qu’on aurait voulu plus léger en ces temps bien troubles.
Ce qui frappe, c’est l’entrée. Sa façade jaune-orange digne du décor d’un film de Wes Anderson. Des escaliers éclairés par des torches mènent jusqu’au parvis de l’église Saint-Michel. Là, une statue de l’archange surplombe un piano à queue noir Yamaha. Quelques petits immeubles entourent la scène et son public.
De leurs vieilles fenêtres, quelques chanceux pointent le bout de leur nez pour admirer le spectacle avec une vue sur mer inestimable. Le rire bruyant de quelques mouettes vient percer le ciel, avant que la nuit tombe et qu’apparaisse un magnifique spectacle étoilé.
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Nous voilà au sommet de Menton, French Riviera, station balnéaire entre Nice et l’Italie. Le festival de musique classique qui célèbre cette année sa 72e édition, propose en plus d’un décor magnifique une programmation ambitieuse : Leonardo García Alarcón, Alexandre Tharaud, Théotime Langlois de Swarte, Bertrand Chamayou… Jusqu’au 13 août, les beaux noms viennent se produire en plein air, les pieds presque dans l’eau.
Leçon d’instrument
Entre deux gorgées de champagne, le public octogénaire peut s’estimer chanceux d’être là. En tête d’affiche, Béatrice Rana. La pianiste classique italienne de 28 ans, auréolée de prix, impressionne par sa précocité et sa vélocité redoutable. Chacun de ses récitals est la promesse d’une belle et franche leçon d’instrument. Au programme : la Suite française n°2 en do mineur BWV 813, les six premières Études de Debussy et les quatre Scherzos de Chopin. 1h30 de récital, le tout sans partition. La claque.
Son programme, Béatrice Rana le connaît du bout des doigts. Elle le rejouera pour partie à la Philharmonie de Paris en octobre, et un album Chopin (études op. 25 et Scherzos) sortira le 24 septembre chez Warner Classics. Après sa magnifique interprétation des Variations Goldberg de Bach en 2017 sur ce même label, ce nouvel opus s’annonce déjà comme la promesse d’une nouvelle figure de référence dans le milieu.
Et les feux d’artifices ?
Ce concert de Béatrice Rana est une bien belle démonstration d’un jeu magnifiquement expressif et coloré. Bien qu’au début de sa carrière professionnelle, la pianiste n’a déjà plus rien à prouver. Seulement voilà. Si on sort le public d’une salle, c’est précisément pour entendre autre chose qu’un programme de salle. Dans ce décor somptueux, on rêvait d’un feu d’artifice. Des sonates de Beethov’, des Rhapsodies de Liszt, la Fantaisie-Impromptu de Chopin… Mais à qui sert un programme trop élitiste, sérieux, intello ?
Et le contexte magique des festivals ne nous empêche pas de nous demander pour qui joue t-on de la musique classique ? Qui restent-il à convaincre ? Qui sont les mélomanes qui rempliront les salles et les festivals de demain ? Sans doute pas les spectateurs de Menton, qui pour la plupart, somnolaient durant les Études de Debussy !
Quelques dates à venir
Nemanja Radulovic le 7 août. Alexander Chaushian et Vahan Mardirossian le 9 août. Trio Aquinas le 10 août. Quatuor Aeolina et Camille Poul le 12 août. Informations et billetterie.