CONCERT – La star du piano Khatia Buniatishvili offre à La Roque d’Anthéron un programme de « tubes » du répertoire pianistique, qui a souffert de conditions météorologiques peu favorables.
Tubes en rafale
Il semble qu’un récital de Khatia Buniatishvili ne soit pas qu’un concert, mais un véritable moment en soi qui dépasse l’heure et demie de musique proposée sur scène. Ce sont des inconditionnels qui viennent, parfois de loin, applaudir leur idole ; c’est ensuite un mélange de mystère et de connivence de la part de la pianiste-star, auprès d’un public tout acquis à sa cause ; ce sont enfin des photos volées par les spectateurs lors de son départ, en voiture, la dérobant aux sollicitations du public. Les secrets de Khatia Buniatishvili sont donc bien gardés sous l’aura de diva qui l’entoure.
Il ne fallait rien de moins qu’un programme tempêtueux pour répondre au tempérament d’une interprète qui enchaîne ici les « tubes » : les foudres Romantiques des sonates Appassionata et La Tempête – justement – de Beethoven côtoient l’élan du rouet de Marguerite (Gretchen am Spinnrade) et les rythmes tourbillonnants des Rhapsodies hongroises. Si les autres pièces peuvent sembler moins démonstratives, enchaîner sans entracte ce programme relève du tour de force : un choix qui n’est pas forcément payant quand la fatigue guette, et que l’intention expressive en vient à s’émousser.
Contre vents et marées
Il faut dire que Khatia Buniatishvili a dû lutter contre les éléments durant ce concert : car après une journée radieuse et caniculaire sur La Roque d’Anthéron, le vent s’est invité, faisant taire les cigales ; et après quelques éclairs menaçants, c’est la pluie qui s’abat au milieu des rafales alors que la pianiste ouvre La Tempête – comme si la météo elle-même se mettait au diapason. Si l’image est belle, les conséquences le sont moins : le public se déconcentre et s’agite ; sachant les spectateurs sous la pluie, Khatia Buniatishvili enchaîne les morceaux sans pause pour écourter le concert. Beaucoup de choses passent à la trappe, dans la précipitation et le manque d’attention.
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Une atmosphère peu propice donc à la pianiste. Après près un Prélude et fugue en la mineur de Bach (revu par Liszt) noyé sous la pédale et une lecture radicalement Romantique, les deux sonates de Beethoven sont ce qui va le mieux à la musicienne : les mouvements lents montrent de la délicatesse, et les mouvements plus vifs font entendre un jeu fluide, urgent mais sans violence, qui culmine dans La Tempête où le son se charge des graves du piano et se déploie dans un geste large et ample dans l’Allegretto final.
Mais malheureusement Ständchen et Gretchen am Spinnrade (d’après Schubert) sont submergés par les conditions météorologiques et la distraction des auditeurs. La Consolation n°3 de Liszt en revanche est mieux projetée, avec un lyrisme davantage déployé, et la pianiste peut faire entendre un jeu musclé dans la Rhapsodie hongroise n°6 où l’on retrouve son caractère pianistique affirmé, malgré des inexactitudes.
Notes en cascade
Les trois bis offerts par Khatia Buniatishvili rassemblent des pièces aussi variées que La Javanaise de Gainsbourg dans une relecture jazz, l’Adagio du Concerto en ré mineur BWV 974 de Bach (d’après Marcello), et les dernières pages de la Rhapsodie hongroise n°2. C’est finalement Gainsbourg qui fait entendre le mieux les qualités musicales et expressives de la pianiste car la Rhapsodie est malheureusement très approximative. Prise à toute allure, il pleut des notes à torrents, à n’en plus savoir que faire : c’est impressionnant, c’est fougueux, c’est virtuose, mais une pièce d’une telle célébrité tolère mal l’à peu près.
Récital pluvieux, récital malheureux ? Les dieux de la météo n’ont ce soir-là pas été favorables à un concert expéditif, où la technique – évidemment superlative – de Khatia Buniatishvili n’a pas offert les raffinements expressifs que la beauté du programme appelait.
Demandez le programme !
- J.S. Bach / F. Liszt – Prélude et fugue en la mineur BWV 543
- L. van Beethoven – Sonate n°23 en fa mineur op.57, « Appassionata »
- L. van Beethoven – Sonate n°17 en ré mineur op.31 n°2, « La Tempête »
- F. Schubert / F. Liszt – Ständchen
- F. Schubert / F. Liszt – Gretchen am Spinnrade
- F. Liszt – Consolation n°3 S.172
- F. Liszt – Rhapsodie hongroise n°6 S.244