LIVRE – Éminent spécialiste et biographe de Gabriel Fauré, Jean-Michel Nectoux fait paraître aux éditions Le Passeur, pour le centenaire de la disparition du compositeur, les lettres adressées par celui-ci à son épouse Marie entre 1882 et 1924. Ces « Lettres à Marie » apparaissent révélatrices des rapports entretenus par ces deux partenaires de vie disposant d’un caractère fort… opposé.
En 1883, Gabriel Fauré épouse Marie Frémiet de onze ans sa cadette. Cette dernière a grandi dans un milieu artistique réputé, son père Emmanuel Frémiet (neveu et élève de François Rude), étant un sculpteur français de tradition classique fort sollicité. On lui doit notamment la statue de Jeanne d’Arc place des Pyramides, l’éléphant pris au piège qui orne le parvis du Musée d’Orsay et le Saint Michel terrassant le Dragon qui domine le Mont-Saint-Michel ! Marie elle-même s’essaiera à la peinture et à la sculpture dans son atelier jouxtant l’appartement de la rue des Vignes dans le XVIe arrondissement de Paris occupé par les Fauré à partir de 1911. Elle se fera connaître en premier lieu comme habile dessinatrice d’éventails. De cette union, naîtront deux enfants : Emmanuel et Philippe Fauré-Frémiet, le premier devenant président de la Société zoologique de France, le second écrivain/musicologue et biographe de son père (il fit ainsi paraître en 1951 une partie des présentes lettres), mais aussi de son grand-père maternel.
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Les années 1883 à 1908
Durant toutes ces années de mariage, Gabriel Fauré s’avère très souvent absent du domicile familial du fait de ses multiples activités musicales. En 1896, il se trouve ainsi à Bayreuth pour entendre la Tétralogie de Wagner : « Je suis tout rempli de cette Tétralogie, elle me hante jour et nuit ! Je ne crois pas que ces œuvres soient des exemples directs et qu’il soit possible de les imiter. Mais des bienfaits et des enseignements en découlent d’une façon générale. Cela vous pénètre comme l’eau pénètre le sable » lui écrit-il avec perspicacité le 8 août. De Londres à Bruxelles, à Béziers pour les ouvrages de Camille Saint-Saëns ou pour la présentation de son propre Prométhée en 1900, il ne cesse alors en sus de voyager pour ses missions d’inspection de la musique dans différentes régions de France tout en assurant sa classe de composition au Conservatoire de Paris et sa fonction d’organiste en l’église de la Madeleine. Le ton des lettres qu’il adresse à Marie est toujours certes affectueux et rassurant sur sa santé et ses projets, mais le sentiment amoureux ne brille guère. Il lui vante la nature et ses bienfaits et n’est pas avare d’anecdotes. Mais il se livre peu sur ses compositions en cours, sinon un peu plus tard lors de l’élaboration de son unique opéra, Pénélope. Il prend toujours des nouvelles de ses fils et de ses beaux-parents qu’il révère. Marie apparaît plus formaliste, plus femme au foyer totalement dévouée à ses enfants, dépressive aussi. Elle n’assiste presque jamais aux concerts où la musique de son mari se trouve interprétée et celui-ci en paraît, au travers de sa correspondance, affecté. Les lettres de Marie à Gabriel Fauré –une seule du 18 mars 1921 très amère et très dure figure dans le présent ouvrage– ont malheureusement disparu. Marie savait-elle que son mari était volage de nature et qu’il avait une maîtresse en titre depuis 1901, la pianiste Marguerite Hasselmans, de trente ans plus jeune que lui ? Sans doute… Cette dernière l’accompagnait, il est vrai, très régulièrement dans ses voyages.
Les années 1909 à 1916
En 1905, tout en demeurant journaliste musical au Figaro, Gabriel Fauré est appelé à succéder à la tête de Conservatoire de Paris à Théodore Dubois. Cette fonction certes prestigieuse accapare pratiquement tout son temps disponible. De fait, pour composer, il s’isole durant les trois mois d’été, de Lugano à plusieurs reprises puis à Hyères, Lausanne, Evian et Annecy. Sa correspondance avec son épouse ne ralentit pas. Il la tient informée presque journellement de ses moindres déplacements du fait du caractère toujours anxieux de celle-ci, sans bien entendu que le nom de Marguerite Hasselmans ne soit évoqué. Il travaille avec ardeur et une conscience élevée. Ses lettres évoquent bien entendu ses rapports avec ses collègues compositeurs et musiciens. La dent est quelquefois acérée notamment vis-à-vis de la musique de Massenet ou de Puccini.
Les années 1917 à 1924
La réputation de Gabriel Fauré est alors à son pinacle. La première guerre mondiale le trouve très préoccupé du sort de ses fils, de sa femme restée à Paris, mais aussi de ses amis et de sa famille. Pour autant, il s’isole encore pour travailler dans un calme relatif tant durant la guerre qu’après, ses fils lui rendant régulièrement visite. Il milite aussi activement pour la reprise à Paris de sa Pénélope. En 1920, sa mise en retraite soudaine de la direction du Conservatoire de Paris ainsi que sa surdité de plus en plus profonde l’affectent beaucoup. De fait, sa santé ne cesse de décliner, lui grand consommateur de tabac. Gabriel Fauré s’éteint le 4 novembre 1924 en son domicile parisien entouré des siens. Marie le rejoindra au cimetière de Passy en mai 1926.
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Pourquoi on aime ?
- Pour marquer cette année commémorant le Centenaire d’un Génie Français
- Pour le travail effectué à son service par Le Passeur Jean-Michel Nectoux
- Pour aborder, même dans une vision parcellaire, l’acte de création de Gabriel Fauré, ce qui en fait une contribution essentielle
C’est pour qui ?
- Pour ceux qui veulent connaître le quotidien de l’homme, plus que celui du compositeur
- Pour ceux qui n’ont pas besoin ou pas (encore) envie des clefs musicales et des influences esthétiques
- Pour ceux qui connaissent et aiment Fauré, et les autres…