FESTIVAL – L’Orchestre National Avignon-Provence dirigé par Victor Jacob plonge les Chorégies d’Orange dans la magie de Disney au travers d’un ciné-concert reprenant des extraits des films Fantasia et Fantasia 2000.
Dès l’arrivée du public dans la majesté du Théâtre antique d’Orange, une ambiance un peu différente des autres évènements du festival s’installe. Les « têtes blondes » et leurs parents sont aujourd’hui très largement mêlés aux « têtes grises ». Des serre-têtes surmontés d’oreilles de Minnie ou de Mickey viennent coiffer les ouvreurs, ajoutant d’ores et déjà une touche de fantaisie dans l’accueil de ce public intergénérationnel.
Les travaux d’Hercules
Non pas douze, mais dix extraits des deux films Fantasia sont proposés ce soir et la tâche pour l’orchestre et son chef n’est a priori pas aisée. En plus de passer après les interprétations mythiques de Léopold Stokowski et James Levine intrinsèquement attachées à ces scènes, il faut en effet s’inscrire parfaitement dans le rythme mais aussi le parti pris qu’ont eu à leur création les dessinateurs de Disney, au risque de paraître décalé. Sans négliger bien sûr la maîtrise technique, et si certains extraits peuvent apparaître avec un nouvel éclat, c’est la cerise sur le gâteau !
Le réveil de Cendrillon
Comme Cendrillon dont les tenues de haillons masquent encore la grâce et la beauté, l’extrait de la « Cinquième » de Beethoven qui ouvre le concert peine à révéler d’emblée son rayonnement. La précision de l’orchestre et la netteté du son se dessinent peu à peu dans la gestuelle du chef. Dans ce mouvement, le volume peine cependant à s’adapter à l’acoustique de plein air, et surtout à s’imprégner de l’image qui apparaît souvent éloignée, en particulier lorsqu’il s’agit de dépeindre l’obscurité de la masse volante envahissant progressivement le mur du théâtre antique. Mais tel le coup de baguette transformant la princesse, la magie opère sur l’orage de la « Sixième », et ne quittera plus le concert.

Préparant la tempête, le grondement crescendo de la grosse caisse se pose sur l’ambiance dessinée par les motifs de cordes. Et alors qu’elle se déchaîne, les impacts des percussions tombent impeccablement sur les éclairs à l’image et les bois, par leurs aigus sifflant font tourbillonner les vents. La chaleur du cor disperse ensuite les nuages, et petit à petit la nature retrouve ses droits. La poésie de l’orchestre souligne l’éveil du monde renaissant, en particulier celle des nouveau-nés émergeant de leur nid. Le travail de l’orchestre sur les éléments se retrouve par ailleurs dans d’autres extraits, en particulier la danse des fleurs faisant virevolter avec enchantement les feuilles et les duvets floraux. Toujours dans Casse-Noisette, la danse arabe apparaît sous l’œil de Victor Jacob avec une sensualité renouvelée, encore plus hypnotique que celle à demi-assumée de l’interprétation d’origine. L’espièglerie de la danse des heures ressort tant de sa rondeur d’ensemble que de la finesse des équilibres, soulignant le cisèlement de chaque détail jusqu’à l’ivresse d’un final endiablé.
Le clair-obscur de Blanche Neige
Comme la fraîcheur de Blanche-Neige face à la vilénie de la Reine, l’orchestre fait pleinement ressortir les contrastes. Notamment dans l’Oiseau de Feu où la noirceur des cuivres et des percussions apporte la désolation plus tard chassée par la force salvatrice du crescendo orchestral. Cette opposition se retrouve aussi dans l’extrait culte de l’Apprenti sorcier où les bois apportent l’entrain de la marche en parallèle de l’atmosphère devenant de plus en plus intrigante. Enfin, tels les musiciens de l’orchestre maritime de Sébastien dans la petite sirène, il faut souligner les qualités individuelles de chaque soliste.
Ils contribuent au succès du concert par leur précision rythmique et celle des éclats de cymbales posés pile sur les eaux s’écartant devant la puissance magique du Maître qui répare les dégâts de son apprenti. Ou encore les bassons et les pizzicati qui accompagnent chaque « pas » des champignons dans la danse Chinoise. Mais aussi par leur poésie comme les harpes et les cordes frottées qui accompagnent tel un éther mystique l’envolée des cigognes vers la lune (dans un arrangement du Clair de Lune de Debussy finalement tronqué du montage final du premier film), de façon à donner peut-être à ce vol un petit air de l’au-delà.
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Il n’est pas encore minuit quand la magie s’évanouit pour laisser place aux riches applaudissements, avant de revenir un dernier instant pour donner en rappel un passage du Carnaval des animaux.


