CONCOURS – Dimanche 26 novembre avait lieu la finale du concours Long-Thibaud. Consacrée au violon, cette édition 2023 aura vu la consécration d’un jeune homme de 18 ans, l’Ukrainien Bohdan Luts.
Des épreuves dignes d’un marathon
Le concours Long-Thibaud a 80 ans. Créé en 1943 par la pianiste Marguerite Long (dédicataire du Concerto en Sol Majeur de Maurice Ravel, ndlr) et le violoniste Jacques Thibaud, il est consacré, chaque année en alternance, au piano et au violon. Cette année, le violon était à l’honneur, avec pas moins de 106 candidats venus de 32 pays différents qui se sont présentés. Le jury international, constitué de Sarah Nemtanu (France), Silvia Marcovici (Roumanie), Akiko Suwanai (Japon), Jean-Jacques Kantorow (France), Marc Laforet (France), Sergey Khachatryan (Arménie), Boris Kuschnir (Autriche) et Jean-Claude Casadesus (France) en a finalement retenu 21, qui ont réalisé un certain nombre d’épreuves :
- La Sonate n°3 d’Ysaÿe, une fugue de Bach et le 1er Caprice de Paganini aux éliminatoires.
- Un programme libre d’une durée de 40 minutes et le 24ème Caprice de Paganini pour les 10 candidats qualifiés pour la demi-finale.
- Un concerto au choix parmi les suivants : Beethoven, Chostakovitch n°1, Sibelius, Brahms, Tchaïkovski, Mozart n°5, La symphonie espagnole de Lalo et Mendelssohn n°2 pour les 5 candidats retenus en finale.
Une après-midi cyclopéenne
Les tours préliminaires se sont tenus les mercredi 22, jeudi 23 et vendredi 24 novembre, au CRR de la rue de Madrid. Toute la journée du samedi, les cinq finalistes ont eu une heure chacun pour répéter leur concerto, dans les locaux de l’Orchestre de la Garde républicaine, qui les a accompagnés pour la finale.
Tout ce petit monde s’est ensuite retrouvé dimanche 26 novembre, dans le grand amphithéâtre de l’Université d’Assas, le long du jardin du Luxembourg, pour une après-midi consacrée à l’écoute des cinq concertos interprétés par les finalistes. Se sont ainsi succédés Miyu KITSUWA (Japon), dans le concerto de Tchaïkovski, Vikram Francesco SEDONA (Italie), dans le concerto de Brahms, Bohdan LUTS (Ukraine), dans le concerto de Sibelius, Koshiro TAKEUCHI (Japon), dans -de nouveau!- le concerto de Brahms et enfin Dayoon YOU (Corée du sud), dans -rebelote!- le concerto de Sibelius !
L’Ukrainien Bohdan Luts couronné de lauriers
Un vrai marathon, donc, pour les candidats mais aussi pour le jury, réuni pendant de nombreux jours et heures, sans oublier le public du dimanche, qui a quand même entendu 5 concertos à la suite, de 14h à 18h ! Des conditions musicales peu communes pour un résultat assez époustouflant : le 1er Grand Prix, le Prix de la Presse, le Prix du Public et le Prix de l’Orchestre, soit la totalité des prix, attribuée à l’Ukrainien Bohdan Luts ! Un grand chelem, donc, pour un artiste qui, à seulement 18 ans, est déjà en possession d’un talent et d’une qualité de transmission artistique assez rares.
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Si les cinq candidats étaient tous impressionnants de niveau technique, de musicalité et de virtuosité, Bohdan Luts avait « le truc en plus », une manière d’affirmer une maîtrise supplémentaire du sujet. Cela s’est senti dans son interprétation du concerto de Sibelius, où il a vraiment fait corps avec l’orchestre, s’appuyant sur les strates sonores, denses et généreuses, de la partition, pour faire jaillir un discours musical noble et soutenu, à la fois précis et souple. L’enjeu de l’instant ne semblait pas avoir d’effet sur lui. Il était là pour servir cette partition intimidante et il était à la hauteur, tout simplement.
Un récital homérique
Et cela s’est confirmé avec son bis. Délibérément et en dépit des préconisations du Président de la Fondation Long-Thibaud, Gérard Bekerman, il a choisi de ne pas interpréter le 24ème Caprice de Paganini, tout en virtuosité brillante, pour privilégier l’immense prière musicale Abodah, d’Ernest Bloch. Il a rappelé, en préambule, que le monde vivait actuellement des heures sombres et qu’il ne se voyait pas jouer autre chose que cette prière, en union avec les personnes qui souffraient. Là encore, sa maîtrise du sujet et sa maturité musicale ont fait merveille, pour six minutes d’une intense émotion.
Actuellement élève de l’Académie Menuhin de Lausanne, ce choix d’interpréter Abodah, de Bloch, était aussi un hommage direct au créateur de cette école, puisque c’est en entendant jouer le jeune Yehudi Menuhin qu’Ernest Bloch décida de lui écrire une œuvre. Ainsi naquit Abodah, sous-titrée A Yom Kippur Melody et achevée en décembre 1928…
Vous pouvez visionner l’intégralité de la finale ci-dessous
- A 2:04:55 : le concerto de Sibelius par Bohdan Luts.
- A 6:46:28, Abodah, d’Ernest Bloch.
- Et à 6:58:28, de nouveau le concerto de Sibelius, avec les mêmes interprètes, en clôture de cet après-midi hors du commun :