AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - DanseUne seconde révolution Atys-tique à Avignon

Une seconde révolution Atys-tique à Avignon

COMPTE-RENDU – L’Opéra Grand Avignon se frotte au mythique Atys de Lully, l’œuvre par laquelle William Christie et Les Arts Florissants avaient révolutionné l’interprétation baroque en 1987. Avec l’aide du CMBV, c’est une nouvelle révolution musicologique qui s’opère en 2024. 

Kill Bill

Dans l’univers baroque, Atys de Lully est associé à la production dirigée par William (surnommé Bill) Christie en 1987, qui avait provoqué un véritable choc artistique dans les milieux baroques. Le Centre de Musique Baroque de Versailles (surnommé CMBV) tente d’en apporter une nouvelle vision sur la base de conséquents travaux (trois ans de recherche, tout de même) musicologiques et organologiques (c’est-à-dire sur l’histoire et la conception des instruments de musique). Ils ont compris plein de nouvelles choses ESSENTIELLES (c’est marqué dans le programme) sur la manière dont Lully faisait jouer l’orchestre à l’époque. Par exemple, ils ont découvert que les instruments à vent n’étaient jamais associés aux cordes en fosse comme cela se pratique aujourd’hui. Ils jouaient des parties à part, depuis la scène. Ils ont donc reconstitué des instruments d’époque (5 dessus de hautbois, 2 tailles et une basse de cromorne). Dans la fosse, ils ne conservent donc que l’effectif des Vingt-quatre Violons du roi qui fait la part belle aux altos. Les deux chœurs prévus par la partition, souvent mélangés, sont ici bien distincts. Même le travail des chanteurs est impacté puisque leur ornementation a été réduite. Alors, cette version surpasse-t-elle le mythique Atys de 1987 ? Difficile à dire puisque nous n’y étions pas. Mais vous pouvez encore vous faire votre propre idée le 17 mars à Tourcoing et le 26 au TCE. Le CMBV prévoit déjà d’appliquer ces découvertes à ses prochaines productions d’œuvres de Lully, et d’étendre ces travaux pour affiner encore ses trouvailles. 

Les soirées des Ambassadeurs

Comme dans toute crise politique, et les révolutions en premier lieu, le corps diplomatique est en première ligne. Ici, ce sont Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie (fusion des phalanges d’Alexis Kossenko et de Jean-Claude Malgoire) qui jouent ce rôle. Ils sont menés par leur directeur Alexis Kossenko, placé au centre de la fosse, et qui dirige à mains nues, d’une gestique souple et dynamique. Les vents sont donc placés sur la scène, offrant un son gras et pénétrant, tandis que les timbales placées en coulisses se montrent majestueuses ou tonnantes selon les situations. 

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Coup de ballet sur la scénographie

Le spectacle prend la forme, originale, d’une version concert chorégraphiée. Dans cette configuration, les lumières de Pierre Daubigny font office de scénographie (les murs de la cage de scène étant visibles), l’orchestre est dans la fosse, les chanteurs viennent se placer devant des pupitres à l’avant-scène, les chœurs (en fait les Pages et les Chantres du CMBV, aux beaux timbres juvéniles, bien homogènes) sont disposés sur des promontoires en fond de scène, et des danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon (gracieux mais pas toujours bien synchronisés) commentent l’action avec poésie sur plateau. Les chorégraphies de Victor Duclos sont modernes, rarement littérales, parfois répétitives, souvent fantaisistes. Elles offrent notamment un magnifique tableau final. Ce dispositif, qui crée quelques longueurs lors des longs récitatifs trop peu théâtraux, remplit son objectif en mettant en exergue le travail musicologique soutenant le projet. 

Décompte des voix

Globalement, l’ensemble du plateau vocal offre une diction soignée, permettant de comprendre le texte (très joliment rimé) sans avoir recours aux surtitres (qui indiquent toutefois de précieuses didascalies) :

  • Mathias Vidal incarne Atys, qui prétend être insensible à l’amour alors que son cœur brûle pour Sangaride. Sa voix riche au style travaillé (comme ses nuances) s’appuie sur un vibrato très présent et une vigueur théâtrale qui redescend jusqu’à une extrême douceur à la mort du personnage.
  • Sangaride est quant à elle promise à Célénus, bien qu’amoureuse d’Atys. Elle est chantée par Sandrine Piau qui fait merveille de sa voix fine et bien audible, au timbre pur et à l’expressivité à fleur de peau. Son vibrato est fin et rapide. 
  • En Célénus justement, Tassis Christoyannis s’appuie sur son baryton lumineux, ainsi que sur l’élégance de son phrasé et de son émission. 
  • La déesse Cybèle, amoureuse d’Atys et terriblement jalouse de Sangaride, prend la voix directe et blanche de Véronique Gens, vêtue ce soir d’une robe rouge resplendissante. Si son timbre manque un peu de chair, elle compense en tragédienne par une sensibilité à fleur de peau et une finesse d’interprétation qui confère à la magie dans les derniers instants.
  • Eléonore Pancrazi explore deux registres bien différents : des graves sombres et bien construits en Melpomène (muse du prologue), et une voix placée plus haut en Mélisse (confidente de Cybèle), dégageant plus de brillance sous la rondeur de son vibrato. 
  • Adrien Fournaison révèle en Idas (ami d’Atys) et en Phobétor (esprit des cauchemars) de beaux graves chauds aux teintes caverneuses et un port de voix d’une belle noblesse. 
  • David Witczak interprète le Temps dans le prologue, ainsi que le Fleuve Sangar (le père de Sangaride) d’une voix aux graves fins et aux voisements charbonneux, mais qui gagne en fermeté dans le médium. 
  • Antonin Rondepierre chante le rôle de Morphée (ainsi qu’un Zéphyr et un Dieu de Fleuve) d’une voix de ténor au timbre charmant. 
  • Hasnaa Bennani incarne Doris (confidente de Sangaride) d’une voix de velours au vibrato rapide, avec un phrasé bien conduit. 
  • En Sommeil, Carlos Porto expose une voix droite étincelante au timbre légèrement pincé et à l’ancrage encore un peu léger. 
  • Marine Lafdal-Franc interprète avec relief Iris dans le prologue (et une Fontaine Marine) d’une voix large et franche. 
  • En Phantase (divinité des rêves), François-Olivier Jean dispose d’une voix légère et claire, qui s’élargit dans l’aigu. 
  • Virginie Thomas prête quant à elle sa voix à la projection directe et au timbre solide à Flore dans le prologue (et une Divinité Fontaine).
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