CONCERT – Après avoir dit au revoir à son ensemble La Simphonie du Marais et s’être concentré sur sa carrière de flûtiste, Hugo Reyne reprend la direction pour un concert pédagogique avec des élèves du CNSM de Paris aux Invalides. Le programme « Batailles et bruits de guerre » rassemblait cinq compositeurs du baroque des XVIIe et XVIIIe siècles.
Drôle de guerre
Il a été confié à cet orchestre d’un soir la mission d’évoquer la guerre à travers de courtes pièces. Cette ambition militaire est d’autant plus singulière que les instruments ne rassemblent pas ceux des fanfares ou autres ensembles militaires. Pas de cuivres à l’horizon, pas de percussions non plus. Sans tambour ni trompettes, donc, mais le déploiement, en revanche, d’un arsenal musical habitué des salons du XVIIe et XVIIIe : viole de gambe, basse de violon ou clavecin occupent le territoire.
Le paysage commence par la légèreté du Psaume des batailles et de Batali de Jacob van Eyck. La gaieté de l’air de flûte, au-delà de l’insouciance qu’elle évoque, donne plus l’impression d’une balade aux champs que d’un champ de bataille. La vivacité et la finesse d’Hugo Reyne en font une vraie pièce virtuose. Un…cheval de bataille ?
Coup de feu, Coup d’archet et coup de langue
Lors du Ballet d’Alcidiane de Lully, le rythme devient plus martial avec la Marche italienne ou l’Attaque du fort. L’œuvre conserve un ton décalé voulu par le compositeur, la volupté des cordes côtoie les attaques des hautbois. La Steinkerque de Couperin divise l’ensemble en deux camps, comme les Français et les Anglo-Hollandais, les cordes et les vents alternent réponses musclées et mouvements profonds et lents. Pour cette sonate, Couperin a souhaité aussi évoquer les bruits de guerre et fanfares.
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Ta ra ta ta, ta ra ta ta
La victoire de cette armée resserrée arrive surtout lors de l’interprétation de Battalia d’Heinrich Biber, qui réussit brillamment à utiliser des techniques innovantes. Il métamorphose les instruments pour nous faire percevoir les trompettes guerrières. Joli succès pour la troupe ! La gloire de la bataille revient aussi à l’adjonction des staccatissimo précis des violons, des répétitions con legno battuto (cordes frappées avec le dos de l’archet) de l’ensemble des cordes, des percussions faites sur leur table d’harmonie, de pizzicato etc. L’élément de surprise par-dessus tout se dévoile avec la contrebasse, et l’originalité de placer une feuille de papier entre les cordes de cette arme massive pour simuler la résonance du tambour. La polytonalité, polyrythmie et cacophonie de la partie Une compagnie dissolue et pleine d’humour reflétant les soldats ivres conquièrent aussi l’assemblée en générant éclats de rire et sourires.
Enfin le repos du guerrier
Après tant de colorations et d’agitations, le temps est au repos avec Dulce Somnium de Muffat et le Sommeil d’Atys de Lully. Le clavecin dresse une toile sonore pour accompagner la flûte au rôle central. La mélodie conduisant vers le sommeil va jusqu’à évoquer le dernier voyage avec l’instrument de pan et son séjour aux enfers… ou Bonne nuit les petits ! Stratégie audacieuse et originale pour cette bataille avec ses trompettes fantômes, son humour et son ton décalé. La tromperie a été réussie grâce notamment au génie d’écriture de Biber et à l’entrain d’Hugo Reyne.
Demandez le programme !
- J. van Eyck – Batali
- A. Philidor (pièces recueillies par) – Préludes pour le Bruit de guerre – Appels du boute-selle – À Cheval – La Marche Royale
- J.B. Lully – Ballet d’Alcidiane – Extraits
- F. Couperin – La Steinkerque
- H. von Biber – Battalia
- G. Muffat – Concerto grosso IV. en sol mineur « Dulce Sommium »
- J.B. Lully – Sommeil d’Atys, extr. de Atys
- J.B. Lully – Chaconne , extr. de Le Temple de la Paix, LWV 69
