COMPTE-RENDU – Le Paris Sainte-Chapelle Opera Festival consacrait le 5ème et dernier week-end de sa deuxième édition aux « Duos & danses », dont un concert dédié aux duos lyriques entre personnages de père et de fille (sur le papier du programme et le papier à musique, mais un peu moins qu’à moitié).
Ils ne se ressemblent vraiment pas ce père et cette fille…
La fille (incarnée par Charlotte Bonnet) propose une démonstration vocale d’impact sonore conservant pourtant l’épaisseur du timbre, faisant oublier le soupçon de tension dans quelques montées vocalisantes (péchés véniels qui seraient absous même ailleurs qu’en cette Sainte-Chapelle), comme la richesse sonore et l’investissement de ses incarnations (tragiques ou comiques) compensent un certain manque d’intelligibilité du texte.
Le père (Jean-Michel Balester), au contraire, travaille, taille et sculpte ses phrasés (pour cause, il chante aussi Benvenuto, non pas celui composé par Berlioz mais par Diaz de la Peña). Par contre, son timbre nasal amoindrit d’autant la projection et le volume (alors que son dolce parfaitement placé retrouve toutes ses couleurs et sa matière). Son ample vibrato lui permet en outre d’atteindre les notes aiguës par le sommet de la sinusoïde.
Ma fille, ma bataille
Ce père et cette fille ne se ressemblent vraiment pas, et même, ne s’entendent pas. Sur le plan sonore déjà parce qu’elle se fait puissamment entendre dans cette longue acoustique d’église dont elle maîtrise l’amplitude et la profondeur de la projection et des résonnances, tandis que sa voix nasale à lui manque de volume à côté d’elle. De surcroît, leurs personnages ne s’entendent pas… ils finiront toutefois par le faire, pour deux de ces duos (mais c’est la fille qui fait grandir le père : Pandolfe qui doit bien laisser sa fille Cendrillon partir dans les bras du prince charmant, et le Sergent français Sulpice qui devra accorder la main de sa fille adoptive (La Fille du Régiment) au jeune Tyrolien Tonio. Au contraire, Rigoletto, à trop vouloir garder sa fille Gilda enfermée la perdra (tout court).
La réunion spirituelle et vocale de ces deux interprètes est en fait atteinte lorsqu’ils entonnent un duo religieux (s’éloignant du thème du programme, sauf à considérer le baryton comme un « père Spirituel » pour sa « fille ») avec le Benedictus d’Arwyn (certes expert en évolution).
Tu es de ma famille, de mon ordre et de mon chant. Celle que j’ai choisie…
Ils ne se ressemblent assurément pas, ce père et cette fille, et pourtant la Directrice artistique de ce Festival qui présente chaque concert en robe et investissement de gala, Fabienne Conrad précise en préambule qu’il et elle ne sont pas vraiment père et fille… Car la magie de l’opéra opérant, l’intensité et la vérité de ces moments choisis feraient presque croire qu’ils le sont : plus que de sang, plus que de voix, d’Opéra !
Le Père, La Fille, Le Saint-Esprit
Le reste du programme est alors en trop grand décalage par rapport à la thématique et à la dynamique (et tant il aurait été possible de trouver bien d’autres merveilles du répertoire père-fille, qu’il s’agisse de liens biologiques, ou plus forts encore sur le plan symbolique et dramatique, de Traviata et Germont par exemple). Certes, ces écarts sont autant d’occasions pour ces chanteurs de briller dans des pièces de leur répertoire soliste, mais sans lien aucun avec le sujet. C’est aussi l’occasion (sans davantage de rapport) pour la pianiste accompagnatrice Dorothée Bocquet de jouer Fauré comme elle joue de l’orchestre au piano (à contre-sens donc).
Au final ne reste vraiment que le Père, la Fille… et le Saint-Esprit de cette Sainte-Chapelle.
Un Esprit (musical), un concert, un lieu salués debout par le public de désormais fidèles et d’éternels touristes, ravis.
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