COMPTE-RENDU – Pas moins de cinq oeuvres figuraient au programme du concert de rentrée de l’Orchestre de Paris : 2 créations, 1 pièce de 2005 et 2 poèmes symphoniques de grande ampleur. De quoi réjouir les amoureux de l’orchestre XXL !
Mäkelä, boulimique ?
Le chef d’orchestre finlandais Klaus Mäkelä, âgé de 26 ans, entame sa deuxième saison comme directeur musical de l’Orchestre de Paris. Véritable prodige de la direction, il cumule également les fonctions de chef principal du Philharmonique d’Oslo et de partenaire artistique de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, dont il deviendra chef principal en 2027. Et pour être certain de ne pas s’ennuyer cette année, il fera ses débuts à la tête des philharmoniques de New York et Berlin, de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ou encore du Symphonique de Vienne. Stop, n’en jetez plus !
Des pièces au langage post-romantique exacerbé et à l’écriture orchestrale brillantissime
Deux pièces avec orgue…
Et justement, si ! Continuons dans la surenchère, avec le programme du concert de rentrée de l’Orchestre de Paris, donné les 8 et 9 septembre dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. Un programme magistral, époustouflant, dont les 2 pièces maîtresses ont vu le grand-orgue de la salle déployer ses tuyaux : Also sprach Zarathustra (Ainsi parlait Zarathoustra), de Richard Strauss, et le Poème de l’extase, d’Alexandre Scriabine. Composées respectivement en 1896 et entre 1905 et 1908, elles traduisent toutes les deux, avec un langage post-romantique exacerbé et une écriture orchestrale brillantissime, le dépassement de l’être ordinaire, dans une vision orgiaque du surhomme chez Strauss/Nietsche et par une jouissance suprême et quasi surnaturelle chez Scriabine.
Évidemment, de telles pièces ne se dirigent pas du bout des doigts. Il faut une mémoire surdéveloppée pour intégrer la densité d’écriture des partitions et le geste à la fois sûr et souple, pour guider chaque instrumentiste dans ces toiles sonores si savantes. Soyez assurés que le jeune Klaus Mäkelä possède ces qualités en abondance. Ne vous fiez pas à sa silhouette gracile et sa démarche légère : une fois au podium, il est le véritable conducteur de l’effectif orchestral, et on a parfois même l’impression que la musique jaillit directement de sa baguette… Sa précision est celle d’un horloger suisse et les crescendos qu’il obtient de l’orchestre sont époustouflants.
…et trois oeuvres récentes
Pour laisser respirer cette belle mise en regard des pièces de Strauss et Scriabine, Asteroid 4179:Toutatis, de Kaija Saariaho, et Aino, de Jimmy López Bellido, ont introduit et conclut le poème symphonique de Strauss, pendant que A linea, de Pascal Dusapin, introduisait le Poème de l’extase de Scriabine.
Si les pièces de Saariaho et López Bellido sont séduisantes par la richesse de la recherche de timbres et leur puissance tellurique, la pièce de Dusapin semble, en comparaison, plus froide et figée.
Il n’en demeure pas moins qu’assister à un concert symphonique « en vrai », c’est distinguer les frémissements de la harpe sans rien perdre de la ligne des contrebasses. Se laisser porter, transporter même, par la musique en direct. Voir le chef d’orchestre se transformer en charmeur de serpents et vibrer avec les cymbales. Si, en plus, vous êtes dans une salle à l’acoustique parfaite, avec un chef magistral, un orchestre en pleine forme et un programme dionysiaque, vous en venez à vous dire que vous faites partie des heureux élus…