AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueFestival de Lyon, épisode 2 : Dame de pique épique

Festival de Lyon, épisode 2 : Dame de pique épique

OPÉRA – Deuxième épisode de notre couverture au Festival de L’Opéra de Lyon. On rebat les cartes après la Fille du Far West, avec une autre carte maîtresse de l’opéra : La Dame de Pique.

Censure éternelle

Pour sa première mise en scène d’opéra de France, Timofeï Kouliabine frappe fort et juste. Le metteur en scène russe est désormais réfugié en Europe depuis que ses spectacles sont interdits de scène dans son pays natal. Sa vision foisonnante de la Dame de Pique de Tchaïkovski renouvelle pour une part l’approche de l’ouvrage, sans pour autant que toutes les options retenues soient suffisamment explicites pour le spectateur. Il faudrait voir le spectacle plusieurs fois pour se fondre dans l’univers ainsi élaboré dans toute sa dimension politique et ses multiples références à l’histoire même de la Russie éternelle.

© Jean-Louis Fernandez

Timofeï Kouliabine implante sa Dame de Pique dans un univers contemporain au sein d’une mise en abyme qui fait froid dans le dos. La scène au début du premier acte se trouve divisée en deux : côté jardin, un petit salon qui accueille un Hermann fou d’amour et ses amis, puis Lisa et la Comtesse et côté cour, une autre scène de théâtre surélevée qui voit défiler des mères éplorées toutes vêtues de noir brandissant les photographies de leur époux ou fils morts à la guerre. Des projections vidéos font défiler les portraits des principaux Tsars de Russie, des dirigeants de l’URSS mais aussi des personnalités artistiques disparues comme Msitslav Rostropovitch ou Irina Arkhipova. Symbole d’un monde irrémédiablement disparu. Les scènes qui suivent sont un rien plus sage dans leur traduction, avec un Bal Masqué et l’Intermède La Bergère sincère réglés avec un soin extrême, mais toujours baignés dans une ambiance glauque et menaçante.

© Jean-Louis Fernandez
Bilan : 3 morts

La Comtesse, tout et charisme et en diamants se révèle sous les traits de l’Impératrice de Toutes les Russies : la Grande Catherine. Timofeï Kouliabine donne une importance toute particulière et insolite au personnage de Lisa lorsque Hermann, une fois la clé de la chambre de la Comtesse en mains, s’introduit secrètement dans le palais. Lisa, qui cherche à s’extirper de ce milieu qui l’étouffe et d’un mariage sans amour véritable prépare fébrilement ses bagages pour fuir avec Hermann tout en dérobant les bijoux et diamants de la Comtesse. Cette dernière, après avoir renvoyé ses suivantes et s’être remémoré une dernière fois sa gloire passée et ses amours d’autrefois, préfère se donner la mort par empoisonnement.

À lire également : Festival de l’Opéra de Lyon, poker menteur en deux épisodes

Deuxième disparition de la tragédie : la scène du suicide de Lisa dans la Volga est transposée dans une gare à la russe. La jeune femme ne se tue d’ailleurs pas, mais s’éloigne vers des cieux plus cléments avec d’autres réfugiés perdus comme elle. La scène finale elle-même se trouve bouleversée, Hermann tuant le Prince Eletski-personnage dont le metteur en scène traduit la bi sexualité par la présence à ses côtés d’un beau jeune homme-,avant de sombrer dans la folie. Ce spectacle qui sort des sentiers battus, malgré ses zones d’ombre, a reçu un accueil enthousiaste de la part du public lyonnais.

© Jean-Louis Fernandez
Point par point : Les voix gardent l’Est

Il est vrai que la distribution vocale, constituée presque essentiellement de chanteurs venus de l’est, s’impose au premier plan par ses qualités intrinsèques avec notamment un Hermann torturé, basculant peu à peu dans un autre monde.

  • Le ténor Dmitry Golovnin fascine de bout en bout de la représentation, de sa longue voix claire et claironnante.
  • Elena Guseva donne une vision moins jeune fille pure que d’habitude du personnage de Lisa. Cette superbe voix épanouie aux multiples inflexions et couleurs donne beaucoup de caractère au personnage.
  • La Comtesse est incarnée par la mezzo-soprano Elena Zaremba avec toute l’autorité requise et une présence scénique de grande allure. La voix a conservé son côté sombre et ses vaillantes assises.
  • Le Prince est interprété par le baryton Konstantin Shushakov qui livre une belle leçon de chant et de legato dans sa déclaration d’amour à Lisa.
  • Le second baryton, Pavel Yankovsky fait entendre des moyens imposants mais domestiqués au service du Comte Tomski.
  • Le plateau se trouve complété par la Pauline très engagée d’Olga Syniakova, voix troublante de timbre et d’intensité expressive. Un souffle épique et d’une théâtralité sans concession traversent ce spectacle qui hantera longtemps la mémoire.
© Jean-Louis Fernandez
Fosse au Lyon sans fausse note

Qu’il soit au pupitre pour diriger La Fille du Far West ou La Dame de Pique, Daniele Rustioni fait rugir l’Orchestre de l’Opéra de Lyon pour le meilleur, et jamais pour le pire. Il obtient de ses musiciens le maximum d’eux-mêmes, qui répondent de façon immédiate à toutes ses sollicitations tant dans les climax que dans les pages les plus subtiles et chatoyantes. L’entente et la complicité sont palpables : l’énergie inépuisable du chef se communique à l’Orchestre sans aucune déperdition. Il convient d’associer à cette pleine réussite les Chœurs notamment masculins, formidablement préparés par Benedict Kearns, comme la Maitrise qui intervient avec subtilité dans la Dame de Pique.

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