AccueilA la UneBulles, plumes et paillettes : Didon et Énée à Versailles

Bulles, plumes et paillettes : Didon et Énée à Versailles

COMPTE-RENDU – Sur le papier, le casting vend du rêve : avec Sonya Yoncheva dans le rôle-titre féminin, on s’attend à voir une équipe de choc. Cependant…

… le rôle d’Énée, interprété par Halidou Nombre, se révèle rapidement trop fragile. Bien que son engagement soit indéniable, il manque de stabilité vocale et de déploiement scénique, des éléments essentiels pour incarner ce personnage complexe et sûr de lui.

Énée mais pas en un jour

Quatre (littéralement) applaudissements solitaires s’échappent à la fin de son intervention, des sourires parcourent l’assemblée lorsqu’il entonne ses premières notes d’autant qu’il semble un peu encombré dans son habit de velours, qui ne lui rend d’ailleurs pas service. D’ailleurs, ce n’est pas le seul à être un peu décrédibilisé par son costume. Les danseuses sont vêtues de haillons teints en bleu, coiffées comme d’un feu d’artifice, à la mode des défilés Fashion Week des années 1980. Dans cette même veine un peu malencontreuse, les décors : grotte en carton pâte, faux bateau en bois et murs en aluminium. 

© Edouard Brane

Jolie touche à la scénographie cependant, les drapés symbolisant l’océan, domicile de la sorcière/marin. De « poussière, tu redeviendras poussière », nous passons à « When I am laid in earth« , lamentation de Didon au cours de laquelle son corps, grâce à un habile jeu de tissus, revient à la mer, puis disparaît. 

© Franck Putigny

Car dans cette production, la confrontation avec une chanteuse de la stature de Sonya Yoncheva est un défi de taille. 

Eh ben Didon !

Sonya Yoncheva d’ailleurs serait presque trop grande ici, trop large et trop imposante vocalement : plutôt Tosca que Didon. Mais son Lamento très émouvant justifie clairement sa présence : elle retrouve la jeunesse nécessaire au rôle, et emplit la salle d’une émotion certaine.

Niveau conviction, heureusement, Belinda est là ! Sarah Charles, grande découverte de la soirée, est tout à fait impressionnante : elle montre un timbre agile, chaud, précis et maîtrisé, pour une interprétation tout à fait à propos.

© Edouard Brane

La Sorcière (Attila Varga-Tóth) manque légèrement d’élasticité vocale, mais propose une performance solide. Et tant qu’à parler de sorcières, saluons les deux autres au passage : Pauline Gaillard, membre de l’Académie de l’Opéra Royal, qui éclipse un peu Yara Kasti, deuxième sorcière, et artiste invitée. 

© Edouard Brane

Instant de grâce de cette production, ce beau tableau final où l’ange flotte en l’air, illuminé par une myriade de bougies. Pourtant, cet ange n’est pas toujours de bon augure. Souvent accompagné d’une dizaine de danseurs voltigeurs : trop de mouvements sur scène, parfois distrayants. Ces acrobates (toutefois extrêmement talentueux) qui atterrissent bruyamment sur le plateau alors que l’orchestre joue piano, sont une autre indélicatesse dommageable. 

© Franck Putigny

Heureusement, l’Orchestre de l’Opéra Royal contre-balance la surcharge scénique où le grotesque assumé risque le kitsch. Même alors que le chef Stefan Plewniak joue la partie de violon solo, ils interprètent très justement la partition de Purcell, accompagnés du Chœur de l’Opéra Royal, où se cache d’ailleurs un jeune Esprit (Arnaud Gluck), contre-ténor de talent. 

À Lire également : Baroque’n’Roll à Versailles - Vivaldi et Plewniak font leur show !

Soirée musicalement contrastée donc, avec un casting (d)étonnant et une mise en scène qui interroge. En juge ultime et souverain, le public de l’Opéra Royal applaudit chaleureusement les artistes, un enthousiasme qui ne les empêche pas, en même temps, de s’interroger sur leur propre admiration : pour savoir si ces acrobaties et savantes voltiges s’élèvent plus vers les hauteurs du Roi Soleil ou de son Cirque (du Soleil, donc). Après tout, c’est quand même Versailles ici !

© Franck Putigny
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