AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - InstrumentalPacte Philharmonique Faustien à Luxembourg

Pacte Philharmonique Faustien à Luxembourg

COMPTE-RENDU – Sir Simon Rattle et le London Symphony Orchestra faisaient un petit Tour au Luxembourg. Après un programme américain, cap vers Brahms et Chostakovitch en compagnie de la violoniste Isabelle Faust :

Dans les tournées des plus grands orchestres du monde, on s’attend souvent à entendre les grands tubes de la musique classique. Le London Symphony Orchestra et son chef Simon Rattle dérogent quelque peu à la règle à l’occasion de leurs deux concerts à la Philharmonie Luxembourg de ce début d’année 2024 : il n’y en aura qu’un, le Concerto pour violon de Brahms du 8 mars, avec en soliste la violoniste allemande Isabelle Faust, car la Quatrième Symphonie de Chostakovitch ne compte pas tout à fait parmi les pages les plus jouées de son compositeur. 

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Pacte Faustien

Comment peut-on faire encore œuvre d’originalité en interprétant Brahms ? En trouvant l’éternelle jeunesse de cette pièce, par un pacte d’excellence, sans aucun doute. Isabelle Faust, en osmose avec les musiciens londoniens, communique ainsi le feu sacré de son archet à un orchestre galvanisé (même au cœur du contrepoint ignifugé des traits des violoncelles au début du troisième mouvement). Le violon solo, ici particulièrement symphonique, est mis en valeur par l’acoustique exceptionnelle de la Philharmonie Luxembourg, particulièrement favorable de surcroît aux équilibres entre les différents pupitres. À noter, en outre, qu’Isabelle Faust choisit d’interpréter la cadence de Ferruccio Busoni (de 1913), laquelle demeure une rareté, où le violon solo est accompagné par les timbales. C’est de ce même Stradivarius de 1704, dit « La Belle au Bois dormant », que Madame Faust nous enchante lors des extraits de Partitas de Bach qu’elle joue en guise de bis (l’esprit d’une magnifique chaconne dans la mélodie planait au-dessus d’un public captivé). 

Pacte méphistophélique

Chostakovitch, qui a été contraint pour sa part, de passer bien des pactes diaboliques avec Staline pour faire accepter la moindre nouveauté, le moindre “formalisme” (disait l’ennemi de l’art), aura toutefois été, au tournant du XXIe siècle érigé en inoxydable du répertoire des grandes phalanges orchestrales. Il sert parfois, en partie à impressionner un public conforté dans l’idée qu’il écoute de la musique moderne avec ces « consonances tordues dans les jointures » (comme l’écrivait Adorno à propos de Stravinski). La Quatrième symphonie est de cette esthétique, à cela près qu’elle est plus avancée stylistiquement que les œuvres qui ont suivi. Elle est liée par le destin à l’opéra Lady Macbeth de Mzensk (un « galimatias » accusé de « formalisme » par un journaliste de La Pravda). Après les premières répétitions en 1936, la création de l’œuvre est annulée. Chostakovitch, à qui on a donc fait comprendre qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin (la révolution, c’est fini, place à l’édification saine du public) produira ensuite sa Cinquième Symphonie, bien plus classique dans sa conception formelle et ses tournures mélodiques, plus monumentale, signant ainsi une sorte de revirement. 

Sir Simon Rattle et le LSO © Philharmonie Luxembourg / Eric Engel
Mahler veille au grain 

Ce n’est pas seulement parce que “Mahlen” signifie moudre, que le compositeur autrichien a vraisemblablement servi de modèle au jeune Soviétique : dans un pacte esthétique enfin fructueux. Les réminiscences abondent. Rattle semble mettre un point d’honneur à révéler cette filiation. L’orchestre londonien excelle à le suivre dans cette démonstration magistrale où la petite harmonie nous scotche et les cuivres nous éblouissent. Ses dissonances ne dérangent plus personne.

Sir Simon Rattle et le LSO © Philharmonie Luxembourg / Eric Engel

Après l’épisode durant lequel le jeune Pascal Dusapin, en 1983, a été agressé physiquement (à coups de sac à main) par une spectatrice du TCE, pour sa musique, qu’en est-il encore du potentiel de scandale de la musique symphonique ? Tant mieux pour la non-violence ! mais le public ne s’offusque plus de grand-chose, dira-t-on. Pourtant (et certes toute proportion gardée), Mahler aura fait son bénéfique effet, tandis que Chosta aura encore fait son effet. Le départ de plusieurs spectateurs au cours de la deuxième partie du concert rappelle que cette Quatrième Symphonie demeure particulièrement déstabilisante, ce malgré la profonde beauté de l’interprétation, la netteté et la précision à la fin du Scherzo, la fin auréolée de mystère. 

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